BEN-HUR (1959)
William Wyler
Par Frédéric Rochefort-Allie
Si on devait élire un film comme le représentant officiel
de tout péplum hollywoodien, un seul nom nous viendrait en tête
: Ben-Hur. Vous devez certainement l’avoir déjà
vu, il passe en boucle vers Pâques, au grand plaisir des rares
personnes capables de le supporter année après année.
Un remake imposant de 15 millions (énorme pour l’époque),
15 000 figurants, un décor de 18 acres. 78 chevaux, 11 Oscars
et devant toutes ces flatteries, une oeuvre franchement décevante,
voire médiocre.
Ben-Hur, c’est un nom, celui d’une légende.
Le prince Judas Ben-Hur (Charlton Heston) voit un jour son amitié
avec le romain Messala (Stephen Boyd) s’écrouler suite
à une dispute. Peu de temps après cet événement,
un regrettable accident frappe un romain haut gradé lors d’un
défilé. Sans que Ben-Hur ne puisse dire un seul mot, on
l’expédie loin, très loin. Devenu esclave dans une
galère, le hasard fait que Ben-Hur peut maintenant planifier
sa vengeance et retrouver son honneur.
Quand un film se nomme lui-même le plus acclamé de tous
les temps, il n’est pas dur de constater que son marketing est
basé uniquement sur sa popularité. Après tous les
honneurs qui lui furent attribués, le public a débuté
à assimiler ceci comme étant un gage de grande qualité.
Ne l'ignorons pas, Ben-Hur est un film de propagande juive.
Présentant l'histoire du Christ et d'un juif qui resurgit de
la misère entre autres grâce à celui-ci, il n'est
pas dur d'y percevoir un quelconque message politique favorisant le
sionisme. Idem pour la religion chrétienne, fortement présente
dans l'ensemble de l'oeuvre et qui vient créer un deus ex machina
plutôt ridicule vers la fin. L'histoire elle-même est loin
d'être originale. En fait, il s'agit de l'un des premiers remakes
de l'histoire du cinéma, reprenant exactement la même trame
narrative que son ancêtre de 1925. Plutôt étrange
que l'Académie prime cette oeuvre quand on sait qu'elle snobe
maintenant les remakes.
Ben-Hur possède tout de même des qualités
indéniables. Après une interminable intermission, les
traditions de l'époque excusent, et de souffrantes longueurs,
nous avons droit à l'une des plus grandes courses de l'histoire
du cinéma. Une scène qui fit école à plusieurs
grands films et qui, encore aujourd'hui, place la barre plutôt
haute pour n'importe quel film épique. Les décors sont
aussi particulièrement fabuleux et nous plongent dans cet univers
antique avec finesse, si on exclut l'un des plus grossiers et célèbres
anachronismes de l'histoire du cinéma, un romain portant une
montre.
Mais il est déplorable que Ben-Hur souffre de scènes
aussi peu intéressantes et ce, en dépit du désintéressement
des gens face à la religion. Ben-Hur aurait très
bien pu durer une heure et demie et ainsi concentrer ses quelques forces.
Car malheureusement, le jeu de Charlton Heston n'est pas proportionnel
à la dimension du projet. En fait, son jeu est si exagéré
que l'oeuvre est presque teintée d'un ton caricatural. L'endurer
environ 3 heures est un véritable supplice que je, comme d'autres,
ne préfère pas endurer. Même le réalisateur
semble s'être endormi sur son propre film, réservant ses
forces pour la scène de chars. Selon la légende, Sergio
Leone aurait coréalisé quelques scènes, ce qui
est plutôt dur à croire. Car le film, contrairement à
Leone, est totalement dépourvu de style. Le résultat est
aussi excitant que s'amuser à analyser des icônes religieuses
pendant 3 heures. Tout est codé au point qu'on en perd tout intérêt
et Ben-Hur fait si déjà-vu qu'on a l'impression
de se taper un vieux péplum « à la Fairbanks »
dont on aurait volontairement coupé toute scène d'action.
Bref, une constante attente pour un moment éphémère.
On se souviendra donc de Ben-Hur comme étant un point
culminant du péplum biblique et des studios MGM, mais aussi du
film le plus surestimé de tous les temps avec son comparse de
1997, l'épave la plus populaire de tous les temps, Titanic.
Ils partagent d'ailleurs le même nombre de statuettes, preuve
que la frénésie hollywoodienne n'a pas de limites pour
des films surdimensionnés. Un film ennuyant, vide, qui manque
de subtilité, mais qui compense par une scène d'action
de première classe. Bref, comme dirait César : «
Veni, vidi, vici » (Je suis venu, j'ai vu, j'ai conquis), au grand
malheur de certains.
Version française :
Ben-Hur
Scénario :
Karl Tunberg, Lew Wallace (roman)
Distribution :
Charlton Heston, Jack Hawkins, Haya Harareet, Stephen
Boyd
Durée :
212 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
9 Février 2004