BEING THERE (1979)
Hal Ashby
Par Frédéric Rochefort-Allie
Peter Sellers détestait la série des Pink Panther au plus
haut point. Si l'acteur incarna l'inspecteur Clouseau pas moins de 5
fois, c'était principalement parce que ce n'était que
des films alimentaires...un gagne-pain quoi ! Sellers cultivait depuis
longtemps ce désir d'adapter le roman Being There au
grand écran. Ce ne fut qu'après s'être plié
à la volonté d'Hollywood et avoir fait le pitre pendant
presque toute sa carrière qu'il vit enfin son rêve se réaliser,
dans ce que plusieurs considèrent comme étant son dernier
vrai rôle.
Simple jardinier isolé du monde entier, sauf lorsqu'il regarde
la télévision, Chance n'a rien d'un homme plein d'ambitions.
Pourtant, par le hasard des choses, Chancey Gardiner (comme il sera
renommé accidentellement) se retrouvera parmi les politiciens
les plus influents du pays. Cette satire du monde politique, dans laquelle
un jardinier parlant de fleurs et du cycle des saisons se voit ouvrir
toutes les portes parce qu'on interprète mal ses paroles, compte
parmi les plus savoureuses de l'histoire du cinéma. L'ascension
de Gardiner dans l'univers de la politique américaine critique
admirablement l'absurdité de la naissance d'un homme politique
influent et les problèmes fréquents de communication dans
les médias. Étant probablement le dernier homme qu'on
imaginerait devenir un candidat éventuel à la présidence
des États-Unis, Chance le devient. Malgré son analphabétisme,
son avidité pour la télévision de faible qualité,
son absence totale de sentiments en plus de son ignorance des rouages
du monde extérieur, il sera néanmoins l'élu. Le
mystère planant autour du passé de Chance Gardiner magnifiera
sa propre personnalité, au point où le FBI et la CIA se
pencheront sur le sujet. Le ridicule de la situation : absolument personne
ne le verra pour ce qu'il est, c'est-à-dire un simple jardiner.
Peter Sellers s'identifiait énormément à Chance
car il avait l'impression qu'en incarnant tant de personnalités
différentes tout au long de sa vie, il n'en avait lui-même
aucune. Jouer lui donnait donc une sorte de carapace. Contrairement
à tous ses autres personnages, Chance ne grimace jamais tout
au long du film. En fait, c'est à peine s'il parle et sourit
le moindrement. L'acteur incarne à merveille la simplicité
d'un homme retardé et inadapté social, tout en inspirant
la force et la sagesse qu'on associe accidentellement à son personnage.
Son interprétation est d'un tel minimalisme que les producteurs,
apeurés par la réaction du public, y inclurent des ''bloopers''
au générique pour compenser en comédie. Being
There n'a pourtant presque rien d'amusant, sinon que par des gags
d'une dimension plus intellectuelle que dans The Party ou les
Pink Panther. Le film s'étire tout de même sur
quelques longueurs et comprend plusieurs répétitions inutiles,
comme le «I like to watch» qu'on sert à toutes les
sauces, alors que Chance ne désigne que la télévision.
Le tout vient un peu nuire à un film déjà plutôt
lent et faire quelque peu dévier le but critique du film vers
des fins humoristiques différentes.
Finalement, Being There aura été le chant du
cygne de Peter Sellers, nous laissant sur l'une de ses oeuvres les plus
accomplies, mais aussi les plus sous-estimées. Il est tout de
même triste qu'au bout du compte, on se remémore seulement
le comédien et ses pitreries, alors qu'il fut également
un acteur tout simplement incroyable, maniant avec génie la comédie
tout comme le drame.
Version française : -
Scénario :
Jerzy Kosinski
Distribution :
Peter Sellers, Shirley MacLaine, Melvyn Douglas,
Jack Warden
Durée :
130 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
26 Mai 2006