BEHIND THE MASK : THE RISE OF LESLIE VERNON
(2006)
Scott Glosserman
Par Jean-François Vandeuren
La formule régissant la quasi-totalité des slashers est
bien connue : quelques adolescents un peu naïfs se feront massacrer
par un dangereux psychopathe s’ils ne suivent pas à la
lettre les codes de la morale américaine. La théâtralité
caractérisant l’œuvre de ces tueurs en est également
une des plus mécaniques, se traduisant la plupart du temps par
une série de manifestations éclairs et une démarche
particulièrement lente. Pourtant, de telles boucheries exigent
forcément une certaine préparation. Aussi, vous êtes-vous
déjà demandés ce que pouvaient bien faire ces machines
à tuer le reste de l'année? Serait-ce possible, par exemple,
de croiser sans le savoir Michael Myers à la quincaillerie? Sachant
pertinemment que ce sous-genre de l’horreur vit sur le respirateur
artificiel depuis beaucoup trop longtemps, le cinéaste Scott
Glosserman propose avec son premier long-métrage une savante
incursion derrière le masque de ses tueurs sanguinaires pour
en révéler les motivations et le génie sordide.
Formant sur papier une sorte d’hybride comique entre Scream
et C’est arrivé près de chez vous, le surprenant
Behind the Mask : The Rise of Leslie Vernon dévoile
les dessous d’une véritable industrie de la terreur dont
le personnage titre pourrait bien être le nouvel enfant prodige.
Il en revient alors à une journaliste étudiante et son
équipe technique de faire le portrait de cet étrange individu
planifiant avec passion le massacre de quelques fêtards sur une
propriété recluse et abandonnée. Dans Behind
the Mask, les Michael Myers, Jason Voorhees et Freddy Krueger ne
sont pas des personnages de films, mais des tueurs en série qui
ont réellement existé et semé la terreur dans leur
localité respective. Le cinéaste s’approprie d’ailleurs
toutes ces figures mythiques du genre avec une formidable adresse. Glosserman
effectue alors un travail de réflexion exceptionnel sur l’univers
de son film, dont la portée finit par englober complètement
le genre auquel il fait référence pour en analyser l’évolution
comme s’il s’agissait d’un phénomène
réel. Ses assassins deviennent alors des travailleurs qui, comme
tout le monde, ont un boulot à accomplir. Si la religion désire
nous faire croire en l’existence du diable, il est normal que
certains démons se manifestent de temps à autre, non?
Mais plutôt que de s’encombrer d’un quelconque souci
de réalisme, le réalisateur nous convie à un exercice
exceptionnel d’autodérision. Ce dernier fait ainsi le portrait
d’individus ordinaires dont la lucidité, la gentillesse
et la façon qu'ils ont de discuter de leur « champ de compétence
» comme s’ils parlaient de football servent avec aplomb
la dynamique de ce spectacle délirant et, surtout, hautement
divertissant.
Mais en soi, la plus grande force du premier film de Scott Glosserman
demeure son scénario aussi accompli qu'original. S’il aborde
un genre où cette pile de papier est souvent optionnelle, le
réalisateur et son collaborateur David J. Stieve signent pour
leur part une œuvre extrêmement bien ficelée utilisant
avec vigueur tous les mécanismes d’usage pour la rendre
d’autant plus cohérente. Behind the Mask est ainsi
élaboré avec la plus grande intelligence et sur un ton
parodique absolument jubilant par le biais duquel le duo parsème
son effort de petits détails ayant tous une certaine importance
sans jamais chercher à les souligner à outrance. L’effort
épate également de par ses diverses transitions entre
son approche de type faux documentaire et une mise en scène fictive
devant, paradoxalement, représenter la réalité.
Glosserman et Stieve reprennent alors l’aspect théâtrale
de certains slashers des années 70 et 80 en en imaginant l’envers
du décor avec un méthodisme désopilant pour ensuite
lui rendre un vibrant hommage.
Même s’il fait preuvre d’une intelligence des plus
surprenantes, Behind the Mask demeure un film qui ne se prend
jamais trop au sérieux. L’opus de Scott Glosserman met
ainsi sens dessus dessous tous les codes et symboles du genre avec un
humour décapant et d'une manière toujours inspirée.
Cet hommage de haut calibre forme un cas d’autant plus rare et
exceptionnel vus le plaisir évident et la connaissance approfondie
du sujet avec lesquels il fut élaboré. Un point qui permit
à Glosserman de tourner à son avantage autant les cas
de figure classiques du genre que ses éléments les plus
insignifiants. Contrairement au Scream de Wes Craven, les chances
de voir Hollywood repartir une nouvelle vague de slashers plus insultants
les uns que les autres suite à ce premier effort franchement
réussi de Scott Glosserman demeurent plutôt minces. Mais
d'un autre côté, nous ne pouvions espérer mieux
comme dernier chapitre d’une longue tradition de films ayant connu
des hauts... et énormément de bas.
Version française : -
Scénario :
Scott Glosserman, David J. Stieve
Distribution :
Nathan Baesel, Angela Goethals, Krissy Carlson,
Robert Englund
Durée :
92 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
13 Juillet 2006