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BATTLE ROYALE (2000)
Kinji Fukasaku

Par Jean-François Vandeuren

C’est un fait que la société japonaise actuelle est en apparence beaucoup moins encline à la violence que celle des Américains par exemple. Pourtant, et cela ne fera sans doute pas plaisir aux jeunes mères carriéristes occidentales blâmant la mauvaise conduite de leur bambin sur la violence graphique présente à la télévision et au cinéma, le septième art vu par les Japonais en vient souvent à relater de manière très explicite diverses formes d’agressions tout aussi physiques que psychologiques. Il faut dire que les cinéastes japonais font énormément abstraction à la censure autant dans la forme qu’au niveau du scénario. On pensera évidemment à des réalisateurs comme Takashi Miike, mais aussi à ce fameux Battle Royale, œuvre faisant l’objet d’un véritable culte que l’on imagine mal voir sortir d’un studio d’Hollywood vu le scandale massif dont il ferait probablement l’objet au cœur de la société mère de la télé-réalité prisonnière de toutes les peurs.

Suivant la traditionnelle prémisse nous situant au cœur d’une nation au bord du gouffre économiquement et socialement, Battle Royale nous transporte dans un futur rapproché au moment où les jours glorieux du Japon sont loin derrière. Les adolescents du pays devenant rapidement hors de contrôle, refusant d’aller en classe et s’en prenant même à leurs enseignants à grands coups de couteau, des mesures drastiques sont votées et le programme Battle Royale voit le jour. Le but en est fort simple: chaque année une classe d’une quarantaine d’élèves est sélectionnée. Ces derniers sont alors emmenés sur une ile déserte où ils devront tout simplement s’entretuer jusqu’à ce qu’il y ait un vainqueur. Mais il y a toutefois un hic, il doit absolument n’y avoir qu’un seul survivant au bout des trois jours de cette compétition forcée. Sinon quoi, aucun des étudiants ne s’en sortira vivant.

Une idée de départ aussi provocatrice n’est souvent pas sans refléter un fond de vérité sociale que les instigateurs du projet tenaient à mettre en évidence. Dans le cas présent, le cinéaste Kinji Fukasaku se sert de sa mise en situation afin de pointer du doigt certaines facettes inquiétantes du système mondial actuel. S’attaquant au départ de manière peu subtile à l’autorité radicale en cherchant à banaliser sa propre violence, le scénario signé Kenta Fukasaku porte également à réflexion en ce qui a trait à la compétitivité barbare qui sévit à l’intérieur des diverses sphères d’une société, alors que le monde de demain tend de plus en plus à se définir par une assimilation déshumanisante de son adversaire et non par la coopération. Propos adroitement mis en évidence ici alors que ces quarante élèves ne sont pas lancés sur cette ile à armes égales.

Il s’agit évidemment d’un propos relayé en arrière-plan dans la dynamique du film. Battle Royale se permet aussi de poursuivre de façon similaire une illustration à gros traits des différentes réactions tangibles face à une telle situation. Comme pris au départ avec le nombre imposant de plus de quarante personnages, cela va s’en dire qu’il fallait éliminer rapidement les surplus afin de se concentrer sur une poignée de personnages principaux, environ une dizaine. Processus qui ne se fait toutefois pas par un simple soucis d’action et c’est au fil que l’étau se ressert que ces personnages seront malgré eux confrontés aux différents comportements de leur confrères, tels le refus de se conformer aux règles du jeu, décidant plutôt d’en finir au plus vite ou de profiter des derniers instants, la violence instinctive, la frayeur paranoïaque, le désir de vouloir doubler le système de n’importe quelle manière, etc.

En soi, l’effort de Fukasaku est traité avec un sérieux qui vient souvent ajouter au côté dérangeant du film, alors qu’il ne cherche pas nécessairement à capitaliser sur l’hémoglobine et des scènes de tueries morbides, plus que sur la férocité du culot qu’il fallait avoir pour s’attaquer aux problématiques soulevées par son film d’une telle façon. On y retrouve du même coup une touche d’humour noir menée par des acteurs qui exagèrent parfois la note sans jamais en faire trop non plus. La réalisation demeure en ce sens fort efficace et surtout bien rythmée, même si elle a tendance à devenir quelque peu redondante.

Dans cette vague ou le cinéma japonais vaut son pesant d’or chez les studios allergiques aux sous-titres de nos voisins du sud, où une œuvre peut être l’objet d’un remake à peine un an après sa sortie, voici donc un des films surement protégés à jamais si l’on peut dire de la main des Américains. Initiative qui serait de toute façon on ne peut plus ironique. Battle Royale forme également un coup de poing sanglant à ce genre de concours mis en scène pour le divertissement de manière bien sûr moins extrême (pour l’instant) au cœur des émissions formant la ridicule télé-réalité. Mais comme pour bien des films bénéficiant du statut d’œuvre culte, Battle Royale en fait principalement l’objet pour sa prémisse foudroyante adroitement menée, parvenant à dissimuler quelques défauts somme toute mineurs au passage.




Version française : -
Version originale : Batoru rowaiaru
Scénario : Kenta Fukasaku, Koushun Takami (roman)
Distribution : Tatsuya Fujiwara, Aki Maeda, Taro Yamamoto, Masanobu Ando
Durée : 114 minutes / 122 minutes (director's cut)
Origine : Japon

Publiée le : 8 Mars 2005