BATMAN RETURNS (1992)
Tim Burton
Par Jean-François Vandeuren
Il est certain que la manière dont les films hollywoodiens étaient
filmés à la fin des années 80 n’aurait pu
donner la chance à une approche comme celle de Batman Begins
de voir le jour d’une façon aussi convaincante qu’aujourd’hui.
Il semble en effet que le chainon manquant pouvant rendre possible une
adaptation de bande dessinée sachant intégrer cinéma
fantastique à un contexte crédible ne fut découvert
qu’une décennie plus tard. Cela explique d’une certaine
façon pourquoi, à l’époque, les ébauches
cinématographiques inspirées de super héros comme
Superman donnaient souvent l’impression de ne pas savoir sur quel
pied danser. C’est aussi dans cette optique que Tim Burton était
le choix le plus judicieux pour porter Batman au grand écran,
Warner Bros. se doutant bien que l’univers excentrique de ce dernier
allait amplement combler l’impossibilité de commercialiser
une approche plus terre à terre. Pari que Burton remporta avec
classe en 1989 avec un premier film captivant, mais qui ne dévoilait
pas totalement les élans créateurs du cinéaste.
Le succès de Batman assura à Burton de pouvoir
imposer un peu plus sa signature pour la suite des hostilités,
laissant cette fois-ci toute la place à un monde sublimement
cauchemardesque.
Batman Returns prend donc les bouchés doubles en confrontant
cette fois-ci le mystérieux homme chauve-souris à deux
de ses plus célèbres adversaires, le Pingouin et Catwoman.
Ce qu’il y a de plus surprenant dans les adaptations de Burton,
c’est de constater à quel point il s’attarde beaucoup
plus au cas des ennemis de Batman plutôt que de scruter directement
le cas de l’alter ego de Bruce Wayne, prenant les origines et
motivations de ce dernier pour acquis depuis le temps où il erre
dans la culture populaire américaine. Si la fascination pour
les atmosphères noires et les personnages anormaux et souvent
grotesques des films de Burton avait amené le précédent
opus à capitaliser sur le cas du Joker, c’est sensiblement
dans le même ordre d’idées qu’il place à
l’avant-plan les personnages interprétés par un
Danny DeVito remarquable et une Michelle Pfeiffer plus qu’à
son aise, volant de bien des manières la vedette à un
Michael Keaton toujours aussi convainquant en terme d’importance
à l’écran. C’est une idée assez judicieuse
il faut bien l’admettre, car elle permit à Burton et au
scénariste Daniel Waters d’approcher le cas du héros
d’une manière originale en formant des comparaisons à
distance, surtout avec Catwoman où s’y dévoilent
certaines similitudes avec le héros quant à la responsabilité
et aux possibilités engendrées par le masque qu’ils
portent tout deux.
Mais la vedette du film cette fois-ci est vraiment Burton lui-même.
On reconnait plus facilement dans ce second volet la vision tordue du
réalisateur, culminant un gout pour le macabre et l’étrange,
formant de nombreuses scènes à saveur très théâtrale
agrémentés des élans musicaux reconnaissables entre
tous du collaborateur de toujours de Burton, Danny Elfman. Les décors
fabuleux formant un Gotham City pris entre deux époques respirent
ce monde par le biais de statues métalliques gigantesques, de
gratte-ciels et de places publiques parfaites pour tourner un film d’horreur.
Burton s’inspire également beaucoup du cinéma expressionniste
allemand des années 20 et il ne cache jamais son admiration et
son désir d’y rendre hommage. Le personnage de l’industriel
Max Schrek fut d’ailleurs nommés en référence
à l’acteur du même nom qui interpréta le personnage
titre du Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau.
Une suite qui est donc à bien des égards supérieure
à son prédécesseur, offrant une symbiose beaucoup
plus sentie entre la bande dessinée de Bob Kane et l’univers
visuel unique de Tim Burton. Même s’il accueillera des admirateurs
provenant des deux côtés de cette rencontre, Batman
Returns risque tout de même d’être plus apprécié
par les fans du réalisateur américain. Un film qui demeure
un des joyaux esthétiques de la filmographie de ce dernier, mélangeant
avec soin des décors fantastiques et des personnages fascinants
qui compensent amplement pour des scènes d’action tournées
à l’image du Gotham City du présent effort: à
l’ancienne, mais avec une touche de modernisme. Il est seulement
dommage de voir un Batman toujours aussi limité par son imposant
costume.
Version française :
Le Retour de Batman
Scénario :
Daniel Waters, Sam Hamm
Distribution :
Michael Keaton, Danny DeVito, Michelle Pfeiffer
Durée :
126 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
26 Juin 2005