BANGKOK LOCO (2004)
Phornchai Hongrattanaphorn
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Il existe une mince frontière entre l'absurdité et la
stupidité qu'il est parfois franchement difficile de définir.
Si Bangkok Loco avait été une production américaine,
elle aurait bien vite été rejetée sous prétexte
qu'elle est aussi idiote qu'incohérente. Mais puisque le film
de Phornchai Hongrathanaphorn nous vient directement de Thaïlande
à un moment ou le cinéma asiatique est à la fine
pointe de la mode, on lui colle plutôt les qualificatifs de bizarroïde
et d'imprévisible avant de le glisser subtilement dans la section
cinéma d'avant-garde du Festival du nouveau cinéma. Si
Bangkok Loco annonce le cinéma de demain, mes amis,
laissez-moi vous dire que ça n'augure rien de bon pour le septième
art. Bangkok Loco est un jeu vidéo duquel on ne peut
jamais prendre le contrôle, une grosse arcade clinquante qui roule
à un rythme infernal vers le néant absolu. C'est une mauvaise
blague de poteux ambitieux qui s'éternise.
Pourtant, il est vrai que visionné dans le bon état d'esprit,
le film d'Hongrathanaphorn n'est pas totalement dépourvu d'intérêt.
À défaut d'arriver à la cheville des remarquables
explosions d'imagination de Stephen Chow, Bangkok Loco exploite
la même veine sans queue ni tête que les populaires Gong
Fu et Shaolin Soccer du réalisateur chinois. Une
fois apparenté à cette lignée de comédies
hyperactives et éclatées, cet étourdissant produit
thaïlandais prend un certain sens. C'est un divertissement complètement
débile qui ne vise qu'à combler le besoin élevé
d'images à la minutes d'une génération souffrant
d'un déficit d'attention collectif incroyable. Ce qui veut dire
que le tout est rythmé à l'extrême et emprunte au
monde du vidéoclip bien plus qu'à celui du cinéma
traditionnel. Mais le résultat final est bien entendu aussi abrutissant
et épuisant qu'amusant.
L'histoire va comme suit: un batteur ayant suivi les enseignements de
la voie divine du drum s'éveille un beau jour de sa transe musicale
avec un cadavre complètement défiguré entre les
mains. Confus et troublé, il se réfugie chez une amie
de longue date avec laquelle il a étudié. Chaque dix ans,
les percussionnistes du bien et du mal s'affronte dans un duel enlevant
dont l'enjeu est somme toute fort mystérieux. Hors, la date du
combat approche à grand pas et nos deux élèves
du noble art de la batterie bouddhiste sont pris au dépourvu:
leur maître est mort avant de leur révéler cette
fameuse dixième technique qui s'avère être la seule
façon de vaincre les plus habiles champions du démon.
Avec la police aux trousses, nos deux musiciens mystiques tentent tant
bien que mal de décoder l'énigme du sommet de leur art.
Bien entendu, le tout n'est qu'une excuse pour assister à une
avalanche de gags vulgaires et de séquences hallucinées
qui tout dépendant de l'humeur de son public sera des plus irritants
ou radicalement amusant. Je suppose. Sauf qu'à force de tout
faire pour être cool et dynamique, Bangkok Loco perd
cette insouciante exubérance qui aurait pu en faire un divertissement
naïf et exalté pour assumer les traits bien moins flatteurs
de l'adolescent un peu idiot qui fait tout pour être branché.
La tornade en question a heureusement l'énergie visuelle nécessaire
pour nous garder éveillé à défaut de vraiment
nous intéresser. Ce que certains voudront élever au statut
d'expérimentation audacieuse n'est que comédie juvénile
glorifiée.
Reste un mélange grotesque de sexe et de Rock N' Roll, à
la sauce pop asiatique s'il-vous-plaît, qui va de paire avec la
drogue pour occuper durant un peu moins de deux heures ceux que ce genre
d'hybride grouillant entre le cinéma et le jeu vidéo amuse.
Mais après quelques chansons pop interminables qu'entonne avec
entrain notre héros, on commence à se demander si on ne
perd pas notre temps devant ce spectacle plus approprié aux ondes
de MTV qu'au grand écran. Finalement, il serait autrement plus
satisfaisant de revoir un vieux film dépassé que ce "nouveau
cinéma" là, qui n'est en fin de compte que contenant
mal fichu et blagues stupides. La fine ligne entre l'absurde et le stupide?
Quelle ligne?
Version française : -
Version originale :
Tawan young wan yoo
Scénario :
Sompope Veichapipat
Distribution :
Krissada Terrence, Nountaka Warawanitchanoun, Nimponth
Chaisirikul
Durée :
98 minutes
Origine :
Thaïlande
Publiée le :
20 Octobre 2005