BANDSLAM (2009)
Todd Graff
Par Laurence H. Collin
Le chant, la danse, la musique. Disciplines en très forte concordance
avec la poussée hormonale adolescente, celles-ci demeurent à
ce jour de sempiternelles idolâtries auprès d’une
faune répandue du primaire jusqu’au secondaire. Même
si les dernières décennies ont chacune connue leur propre
engouement populaire pour ces arts, l’arrivée du 21e siècle
aura incontestablement enfoncé le clou en présentant ces
activités comme véritable chemin de la gloire et de l’accomplissement
personnel. Chanteuses pop, talent shows, « boys bands
», les médias de masse ont vite su être en mesure
d’offrir tout ce dont ce public raffolait, et même plus
encore. À en juger par la popularité monstrueuse des plus
récentes concoctions typiquement « Disneyennes »
(Hannah Montana, la série High School Musical,
etc.), la folie des arts de la scène en tant que fast-food audiovisuel
n’a pas pris une seule ride. Comment donc expliquer l’échec
lamentable au box-office de ce Bandslam de Todd Graff, soigneusement
servi par une campagne médiatique lui donnant l’apparence
d’un émule de Camp Rock tout à fait commercialisable?
Il faudrait tout d’abord commencer par faire l’analyse du
produit lui-même… et puis finalement se rendre à
l’évidence que cet agréable et intelligent teen
movie musical se révèle beaucoup plus authentique
qu’on ne pourrait l’espérer.
Il ne serait pas inexact de mentionner non plus que les grandes lignes
du scénario (et surtout ses personnages) rappellent la candeur
de certaines oeuvres du regretté John Hughes. En effet, le protagoniste
campé par Gaelan Connell inspire un Ferris Bueler des années
2000; inexpérimenté mais débrouillard, introverti
mais désabusé, bref plus à l’aise avec ses
propres intérêts et la technologie que les rapport humains.
Ainsi, Bandslam est entamé sur les premières
notes de Rebel Rebel alors que William Burton, 16 ans, envoie
un courriel à son mythique interprète. On apprendra plus
tard que l’échappatoire de Will, mis à part le rock
alternatif, est de vider quotidiennement son coeur à David Bowie,
lui décrivant les supplices du lycée dans un quotidien
lourd de platitude. C’est lorsque sa mère monoparentale
(Lisa Kudrow) lui annoncera qu’ils déménagent au
New Jersey pour un nouveau boulot que Will sera enfin stimulé
par son entourage. Son collège est en effet reconnu d’abord
et avant tout pour son alléchant Bandslam, c’est-à-dire
une compétition musicale de fin d’année mettant
en scène des groupes d’adolescents autant locaux que des
états voisins. Will développera entre-temps une amitié
avec la jolie Sa5m (« le cinq est muet »), discrète
et excentrique jeune demoiselle qui n’est pas sans rappeler Ally
Sheedy dans The Breakfast Club. Mais l’attention soudaine
qui lui est portée par Charlotte (Aly Michalka), ravissante blonde
s’étant récemment métamorphosée socialement
de meneuse de claque à guitariste et chanteuse de son groupe,
en fera douter plus d’un sur les motivations de cette dernière.
Est-elle réellement intéressée par Will, ou utilise-t-elle
les conseils musicaux que celui-ci apporte à son groupe pour
faire de l’ombre à celui de son ex-copain (Scott Porter)
au Bandslam?
Toutes les pièces requises sont au rendez-vous pour faire de
Bandslam un film d’ados tout à fait fonctionnel,
mais c’est dans l’assemblage que le véritable charme
opère. Second long-métrage du comédien Todd Graff
après son sympathique Camp présenté à
Sundance en 2003, le projet bénéficie d’une mise
en scène dynamique et étonnamment sensible aux détails,
particulièrement en ce qui a trait aux numéros musicaux.
Ceux-ci sont interprétés par une distribution sachant
chacun véritablement jouer de leur instrument, et avec la décision
d’enregistrer toutes les performances vocales pendant les prises,
le résultat n’en devient qu’amplement moins artificiel.
On pourrait en dire autant des dialogues très justes, bien que
pas toujours subtils - quoique la subtilité ne soit pas de rigueur
vu le public auquel le film est destiné. Le scénario,
co-écrit par Graff lui-même, ne réinvente d’ailleurs
rien dans le genre, mais il possède néanmoins une rare
patience pour ce qui est du développement des personnages. C’est
en effet en fin de parcours que nous serons portés à découvrir
les anxiétés plus profondes de ces jeunes adolescents
aimables mais perplexes. Bien que le dernier tiers du récit présente
ses quelques longueurs ainsi qu’un happy end plat et
inévitable, c’est à ce point que Graff creusera
un peu plus loin dans ses personnages et leurs motivations. On pourrait
saluer d’abord et avant tout le traitement respectueux et songé
que Bandslam réserve à absolument tout ses personnages
féminins, celles-ci trop souvent bidimensionnelles dans la comédie
américaine, mais la plus grande surprise s’avère
la crédibilité de l’ensemble. Bien que le film ait
des aspirations pour le grand public, il parvient néanmoins à
évoquer la sexualité adolescente et les tourments que
celle-ci implique sans même avoir recours à la moindre
remarque pendarde. Le résultat se visionne sans vraiment donner
l’impression d’assister à une version plus sanitaire
du milieu secondaire, et compte tenu du fait qu’il s’agit
de ce Bandslam est en bout de ligne, on pourrait qualifier
cette maîtrise thématique d’exploit, en quelque sorte.
Si les spectateurs en bas âge en sortiront satisfaits pour les
scènes chantées enthousiasmantes et les quiproquos amoureux,
les plus âgés retiendront la composition attachante et
spontanée du jeune Gaelan Connell. Exempt de toute prestation
sur scène, ce dernier fait pourtant incontestablement croire
à son amour inconditionnel pour la musique dans chaque séquence.
L’on retrouve dans son jeu une fraîcheur que plusieurs auront
comparé à celle du jeune John Cusack, et avec raison.
Très expressif mais pourtant plus intériorisé que
le reste de la distribution, Connell porte sur ses épaules toute
la gamme de sentiments propres à la découverte de soi
élaborée par le scénario, et il y parvient sans
jamais forcer la note. Ses scènes les plus efficaces sont partagées
avec Aly Michalka, chanteuse pop faisant ici ses débuts au grand
écran mais qui pourrait facilement passer pour une jeune comédienne
d’expérience, et Lisa Kudrow, singulièrement désinvolte
dans le rôle de sa mère un peu mal à l’aise
avec la popularité inopinée de son fils. La distribution
très naturelle compte cependant une fausse note, soit la peu
convaincante Vanessa Hudgens, mais celle-ci fait tout de même
preuve de la même énergie conquérante que ses pairs
lorsqu’elle se trouve sur scène. À cet égard,
la reprise ska-pop du tube Everything I Own de 1972 à
l’époque interprété par Bread durant la finale
est un moment d’une unité irrésistible, particulièrement
pour ceux appréciant déjà la version originale.
La sincérité incontestable des créateurs de Bandslam
rendrait difficile à la plupart des spectateurs de ne pas trancher
en faveur de celui-ci plutôt qu’aux indiscernables productions
Walt Disney dans une branche similaire. La cachet visuel, bien qu’impersonnel,
jouit d’une photographie parfois lumineuse, parfois mélancolique
signée Eric Steelberg (Juno, (500) Days of Summer) et
de nombreuses références visuelles aux légendes
du rock. Un penchant totalement assumé pour le genre pendant
les années 70 et 80 (The Velvet Underground, The Clash, The Sex
Pistols, etc.) laisse d’ailleurs toute la place à une trame
sonore nostalgique et jamais intrusive. Si, après leur visionnement,
les plus jeunes en viennent à s’intéresser à
ces fameux groupes rétro adulés par Will et surtout à
cet énigmatique chanteur faisant son apparition à la toute
fin du récit, le film de Todd Graff mérite peut-être
un peu plus qu’un signe d’approbation. L’exécution
fort compétente laisserait donc croire que nous sommes à
mi-chemin entre les pénibles High School Musical de
ce monde et le jouissif School of Rock, mais le « je-ne-sais-quoi
» cinématographique effervescent de l’entreprise
le rapproche davantage du film de Linklater. Bref, de quoi affirmer
que Bandslam est à milles lieux de ne mériter
que les poussières qu’il a ramassé aux caisses enregistreuses,
et suffisamment pour justifier deux heures du temps de papas, mamans,
fistons et fillettes.
Version française :
Bandslam
Scénario :
Josh A. Cagan, Todd Graff
Distribution :
Alyson Michalka, Vanessa Hudgens, Gaelan Connell,
Scott Porter
Durée :
111 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
2 Septembre 2009