BANANAS (1971)
Woody Allen
Par Frédéric Rochefort-Allie
El Presidente est mort. Vive El Presidente!
À peine viens t'il d'être abattu, qu'un journaliste de
la télévision américaine couvrant le putsch en
direct interview le President de l'Île Sud-Américaine de
San Marcos jusqu'à ses dernières paroles, juste avant
que cette île aux étranges allures de Cuba ne passe entre
les mains d'un dictateur. Pour plaire à une jeune intellectuelle
politiquement engagée qui rompt avec lui par manque de leadership,
Fielding Mellish (Woody Allen) décide de s'impliquer à
son tour pour se prouver à lui-même qu'il vaut mieux que
son emploi actuel de testeur de produits industriels. Il aboutit donc
bien malgré lui dans les rangs des révolutionnaires de
San Marcos, qui veulent installer...une AUTRE dictature !
Woody Allen, tant en personnage qu'en réalité, serait
bien parmi les derniers qu'on imaginerait prêt à devenir
le nouveau Che Guevarra ou Fidel Castro. Le personnage lui-même
est si maigrichon et névrosé, que simplement de l'imaginer
armé jusqu'aux dents tient du ridicule. Bananas n'est
pas l'oeuvre la plus profonde qu'ait porté Woody Allen au grand
écran. Sa satire du régime Castro ne fait que demeurer
en surface, n'osant pas adopter un regard très critique. C'est
très décevant! Pourtant, le film fut réalisé
dans les années 70, une époque importante pour Cuba. Puis,
même quand Allen se moque des rapports hommes-femmes, on remarque
que le scénariste d'Annie Hall et Manhattan
sommeille encore au fond de lui. Son style d'écriture à
l'époque favorisait les sketchs et l'improvisation plutôt
qu'un vrai scénario.
Normal, Woody Allen en était encore à ses débuts,
que quelques années après ses fameux stand-up
comiques. Comme plusieurs de ses tout premiers films, Bananas est une
comédie incroyablement géniale dans ses moments les plus
absurdes et légers, mais qui cherche moins à faire la
psychanalyse de son créateur que de provoquer les rires gras.
Par exemple, dans une scène, Fielding tente de cacher le fait
qu'il va s'acheter des revues pornographiques en soulignant bien haut
et fort qu'il achète le Times et plusieurs autres magazines
"à articles". Comme toujours, c'est l'auto-critique
qui lui réussi le mieux. L'humour slapstick, caricatural
à souhait qu'il a tartiné d'un bout à l'autre du
film fait étrange dans un Woody Allen, mais fonctionne tout de
même. Après tout, le Woody Allen que l'on a toujours connu
n'est-il pas sa propre caricature?
Bananas est donc un bel échec tout à fait louable,
qui à défaut d'être aussi méchant qu'il aurait
pu se le permettre, reste une excellente initiation à l'esprit
de Woody Allen pour ceux qui s'intéressent à ce génie
du cinéma américain. Après tout, le cinéaste
a lui-même avoué que son seul but avec Bananas
n'était que d'être amusant (et secrètement d'imiter
aussi un peu les frères Marx). Pourquoi lui en vouloir s'il remplit
si admirablement bien sa tâche ?
Version française :
Bananas
Scénario :
Woody Allen, Mickey Rose
Distribution :
Woody Allen, Louise Lasser, Carlos Montalban, Natividad
Abascal
Durée :
82 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
13 Décembre 2005