BAD SANTA (2003)
Terry Zwigoff
Par Jean-François Vandeuren
Après le succès autant auprès de la critique que
du public de Ghost World et du documentaire Crumb,
il était évidant que le troisième effort de Terry
Zwigoff bénéficierait d’un budget beaucoup plus
élevé que ce qui lui avait été alloué
pour la production de ses deux premiers longs-métrages. Le cinéaste
américain dut évidemment conformer sa mise en scène
à un moule destiné à un plus vaste auditoire. Malgré
tout, Bad Santa porte fièrement la signature mesquine
de Zwigoff du début à la fin. Ce dernier nous introduit
à un univers et un éventail de personnages désagréables
au possible et dont le pathétisme atteint souvent des sommets
vertigineux. Bad Santa se vautre sans retenue dans un humour
noir traité avec le manque total d’artifice auquel le réalisateur
nous a habitués depuis ses débuts. Zwigoff recule toutefois
de quelques pas dans ses élans cherchant à faire la part
des choses face à la représentation souvent inexacte de
l'Amérique et de la marginalité que véhiculent
les médias pour se consacrer entièrement à l’élaboration
d’une comédie grasse fonctionnant à plein régime
et dans laquelle excelle un Billy Bob Thornton en très grande
forme.
Les craintes que nous pouvions avoir relativement à ce troisième
film de Terry Zwigoff étaient pourtant fondées. L’idée
de voir Billy Bob Thornton revêtir le costume d’un Père
Noël alcoolique dont la rédemption serait assurée
par une rencontre fortuite avec un jeune garçon naïf n’avait
en soi rien de bien inspirant. Heureusement, le scénario signé
Glenn Ficarra et John Requa évite sans trop de difficultés
tous les pièges vers lesquels la prémisse initiale se
dirigeait à vive allure. Pour se faire, le duo parsema son récit
de nombreuses intrigues secondaires, les développant suffisamment
pour qu’elles ne paraissent pas qu’accessoires, mais sans
trop forcer la dose pour ne pas les faire sombrer dans la farce vulgaire
ou la morale bas de gamme. Le meilleur exemple à cet effet demeure
le changement d’attitude des plus prévisibles auquel aspire
sans le savoir le personnage principal. Ficarra et Requa jouèrent
particulièrement de finesse dans ce cas-ci en éliminant
toute portée mélodramatique de cet enjeu en le relayant
complètement en arrière-plan. Une initiative qui, de manière
générale, ne se traduit jamais par un manque de direction
ou de constance, mais permet plutôt à l’effort d’éviter
la redondance.
Pour sa part, la facture visuelle de Terry Zwigoff s’adapta plutôt
bien aux exigences d’Hollywood. La mise en scène de ce
dernier met d’ailleurs en évidence des attributs beaucoup
plus cinématographiques que dans Ghost World, dont la forme adoptait
souvent plus les traits d'une bande dessiné que d'un film en
soi. La plus grande réussite de Zwigoff dans ce cas-ci demeure
la manière dont il pousse l’efficacité comique de
son ensemble jusqu'à son paroxysme en ne faisant jamais dans
la dentelle et en suivant le rythme d’un montage réglé
au quart de tour. À défaut d’y insérer la
subtile touche d’ironie sociale de Ghost World, et même
de Crumb, le cinéaste ne laisse jamais un gag tomber
à plat en misant unilatéralement sur la nonchalance et
la désinvolture de ses différents personnages. Il est
d’ailleurs grandement aidé par Billy Bob Thornton qui nous
fait grâce dans Bad Santa d’une des performances
comiques les plus réussies des dernières années.
Ce dernier est entouré d’une distribution s'amusant tout
autant à mettre en relief le cynisme et le je-m’en-foutisme
assumé de l’univers de Zwigoff.
Étrangement signé de la plume des auteurs qui nous offrirent
en 2001 la douteuse épopée d’animaux parlants Cats
and Dogs, Bad Santa forme au final une comédie
dépravée et grinçante dont on ne peut que savourer
chaque excès avec un plaisir coupable. Il faut dire que ce type
d’efficacité extrême est devenu une denrée
rare depuis quelques années au sein de la comédie populaire.
Bad Santa ne possède évidemment pas la profondeur
ni la force de frappe des deux premiers films de Terry Zwigoff. Sa mise
en scène monotone au possible dont il est l’un des rares
à connaître le secret conserve malgré tout son aplomb
et compense largement pour les quelques manques au niveau du scénario.
Un troisième effort destiné à devenir un classique
du temps des fêtes pour tous ceux détestant les films de
Noël et qui possède même tous les ingrédients
nécessaires pour s'assurer un bel avenir au-delà de la
fin décembre.
Version française :
Méchant Père Noël
Scénario :
Glenn Ficarra, John Requa
Distribution :
Billy Bob Thornton, Tony Cox, Brett Kelly, Bernie
Mac
Durée :
91 minutes / 98 minutes (Badder Santa)
Origine :
États-Unis
Publiée le :
4 Juin 2006