BACKBEAT (1994)
Iain Softley
Par Frédéric Rochefort-Allie
Personne n'arrive vraiment à s'entendre à savoir, qui
fut le cinquième, Beatles. George Martin? Pete Best? Brian Epstein?
Yoko Ono (je blague)? Mais rarement entend-on prononcer le nom de Stuart
Sutcliffe qui joua pourtant un rôle crucial. Avant que s'ouvrent
les portes du studio d'Abbey Road, que Ed Sullivan et des millions de
téléspectatrices hurlent leurs noms, l'histoire des Beatles
ne fut pas toujours aussi glorieuse qu'on se l'imagine. Il fut un temps
où les vedettes durent se contenter d'une petite chambre située
aux abords de la toilette pour femmes d'un cinéma porno et d'un
régime de bières et pilules amaigrissantes pour garder
le moral pendant des spectacles qui s'éternisaient durant de
nombreuses heures. C'est à cette époque charnière
pour les Fab Four où Stu dut faire un choix déchirant
: partager entre l'amour d'une jolie photographe allemande avant-gardiste
et la profonde amitié qui le liait avec son meilleur ami John
Lennon.
Backbeat est un film qui porte uniquement sur Stuart et sa
relation avec les deux amours de sa vie que sont Astrid et John. Si
vous y cherchez un film sur les Beatles, vous serez déçus
d'apprendre que Paul et George n'obtiennent que des rôles très
secondaires. Quant à Ringo, c'est à peine si son visage
apparaît plus de deux secondes. Même s'il est intéressant
d'observer l'ascension du groupe à Hambourg avec les yeux du
membre qui les délaissa, le film est une insulte à tout
véritable fan. Visiblement, Iain Softley n'a pas un grand souci
d'authenticité. Les personnages de John et Paul ne chantent pas,
même un tout petit peu, comme les véritables musiciens.
Softley confond plusieurs événements importants et manipule
les faits. D'ailleurs, à l'époque de la sortie du film,
Paul McCartney n'a pas manqué de souligner entre autres que Long
Tall Sally était un de ses numéros fétiches,
contrairement à ce que suppose le film. Les acteurs sont aussi
de très mauvais sosies. Sous un accent écossais - signalons
que Liverpool est en Angleterre tout de même - se cachent de mauvais
comédiens qui caricaturent plutôt grossièrement
les Beatles.
Sinon, le film nous entraîne dans un triangle amoureux cliché
et très prévisible semblable à un roman-savon.
Le personnage d'Astrid, contrairement à la vraie, n'a absolument
rien de fascinant, sinon que le bleu de ses yeux. Sheryl Lee n'a ni
la chimie requise, ni une personnalité assez forte pour incarner
l'âme soeur de Stu. La seule réussite du film demeure le
rapport entre John et Stu, quoique les faits soient encore manipulés
pour servir la dimension homosexuelle de leur amitié. Le scénario
se serait supposément basé sur les lettres écrites
par Astrid à l'époque, d'où une certaine véracité,
mais la famille de John Lennon n'a jamais approuvé cette version
de l'histoire, ni même aucun des Beatles d'ailleurs. Puis, même
si le film ose aborder ce sujet controversé, il l'aborde plutôt
superficiellement.
Donc, fan ou non, Backbeat n'a que très peu d'intérêt
sinon à cause de sa bande sonore tout à fait géniale
qui réunit de grands musiciens pour recréer le son «punk»
de l'époque...mais qui exclut toute composition écrite
par Lennon et McCartney. Mieux vaut tout simplement se taper la lecture
papier ou vidéo de l'anthologie des Beatles qui traite beaucoup
plus en détail de l'histoire et qui par le fait même vous
fait connaître différents points de vue, plutôt que
celui d'un défunt personnage, mort trop jeune pour se prononcer
sur le sujet. Bref, voilà un film qu'il vaut mieux laisser moisir
sur les tablettes.
Version française : -
Scénario : Iain Softley, Michael Thomas, Stephen Ward
Distribution : Stephen Dorff, Ian Hart, Gary Bakewell, Chris O'Neil
Durée : 100 minutes
Origine : Royaume-Uni, Allemagne
Publiée le : 17 Septembre 2006
|