A.V. (2005)
Ho Cheung Ping
Par Jean-François Vandeuren
Alors qu’Hollywood ne pense plus qu’en terme de profits
et non de contenu, de nombreuses productions effritant un peu plus la
même recette d’années en années sont littéralement
abandonnées en salles devant des spectateurs de moins en moins
nombreux. Et c’est particulièrement vrai dans le domaine
de la comédie et de l’horreur, les slashers et les films
d’ados étant évidemment les sous-genres que l’on
pointe le plus souvent du doigt. Les efforts appartenant à ces
deux catégories sont d’ailleurs souvent réalisés
d’une façon monotone, se complaisant dans une absence totale
de rigueur technique ou de propos pour nous donner au mieux des produits
qui fonctionnent brièvement, le temps que la chaudière
de pop corn se vide. Ce A.V. de Ho Cheung Ping ramène
indirectement ce problème flagrant de la formule du teen
movie des dernières années en prouvant hors de tout
doute que l’échec de cette forme de divertissement aux
États-Unis serait une simple question de mauvaise foi, mais qui
comporterait également son lot d’hypocrisie. Une vérité
dont le présent effort ne parvient toutefois pas à se
détacher complètement.
A.V. propose donc un mélange à la sauce asiatique
entre American Pie et The Girl Next Door dans lequel
un groupe d’amis d’Hong Kong, dans le but d’aider
un de ceux-ci à se faire dépuceler, engage une actrice
pornographique japonaise en lui faisant croire qu’elle participera
à une production tout ce qu’il y a de plus professionnel.
Mais pourquoi ce film, qui à la base n’a rien à
envier à ceux élaborés massivement par nos voisin
du Sud, serait-il plus respectable? D’une part, A.V.
se démarquera aux yeux du public nord-américain par la
vivacité, et surtout le professionnalisme qui se dégagent
de sa mise en scène particulièrement appliquée
pour ce genre de scénario, lequel est d’autant plus soutenu
par une distribution beaucoup plus naturelle et crédible, dans
des rôles qui demeurent pourtant assez typiques. A.V.
remet ainsi en question malgré lui l’arrogance d’une
Amérique qui cherche à se la jouer rebelle sur un fond
de musique punk pop en ne faisant bien souvent que du recyclage d’idées
vieilles de plus de vingt ans. Ho Cheung Ping se sert de cette façon
assez adroitement, sans toutefois tomber dans l’excès,
de l’utilisation très ouverte de la sexualité dans
le cinéma asiatique, employant ce fait historique comme toile
de fond tout en en questionnant l’impact et le rôle au coeur
de cette culture dans le monde d’aujourd’hui.
Le film de Ho Cheung Ping parvient du même coup à tourner
en dérision le genre auquel il appartient en effectuant une comparaison
assez coriace entre la présente génération et celles
des années 60 et 70, mettant en évidence les accomplissements
d’une jeunesse qui, à l’époque, révéla
plus qu’à son tour son engagement à vouloir changer
les choses d’un point de vue humanitaire, comparativement à
celle d’aujourd’hui qui nous apparait dans A.V.
comme étant foncièrement individualiste, voire parfois
même ridicule. Ho Cheung Ping se sert par contre de ce discours
d’une manière parfois maladroite en ne se basant bien souvent
que sur des généralités, ce qui est franchement
dommage si l’on considère que les méthodes employées
par le cinéaste pour s’éloigner autant que possible
des mauvaises habitudes du genre auquel A.V. appartient finissent
malgré elles par lui faire faire du surplace.
Bref, malgré ces intentions de départ somme toute fort
intéressantes cherchant à alimenter un parallèle
des plus significatifs entre les préoccupations et les actions
de deux générations, A.V. ne parvient malheureusement
pas à soutenir entièrement la charge symbolique de son
discours et semble en final avoir voulu en prendre beaucoup plus sur
ses épaules que ce que le scénario de Ho Cheung Ping était
réellement en mesure de supporter. Il en ressort tout de même
une comédie face à laquelle nous devons bien reconnaitre
la redoutable efficacité lors de ses moments les plus réussis,
lesquels éclipsent à eux seuls d’une bonne tête
la plupart des équivalents américains ayant suivi le succès
surprise du premier American Pie. Un film qui demeure tout
de même assez réjouissant vu le contexte beaucoup plus
consistant qu’elle a à nous offrir, mais qui finit malheureusement
par tourner en rond vu le manque de repères offerts par le cinéaste
asiatique, empêchant l’initiative de prendre assez de volume
pour devenir réellement marquante.
Version française : -
Scénario :
Ho Cheung Ping
Distribution :
You-Nam Wong, Lawrence Chou, Kwok Cheung Tsang,
Ting Yau Tsui
Durée :
90 minutes
Origine :
Hong Kong
Publiée le :
18 Novembre 2005