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ATONEMENT (2007)
Joe Wright

Par Nicolas Krief

Le cinéma britannique n’est pas mort, la Reine règne et Elton John est toujours aussi flamboyant. Pendant que Mike Leigh et Ken Loach continuent d’alimenter le cinéma du peuple anglais, Joe Wright fait revivre, un peu comme Minghella avec son Patient Anglais, le grand cinéma d’adaptation alors qu’il porte à l’écran le huitième roman d’Ian McEwan. Deux ans après s’être attaqué à Jane Austen avec Pride and Prejudice, il récidive dans la même voie, mais cette fois avec tout l’aplomb d’un Carol Reed et le sens du détail d’un David Lean. Pour son deuxième long-métrage, Wright prouve qu’il a un sens aiguisé du cinéma en transposant en image cette grande œuvre littéraire.

Divisé en deux parties d’environ une heure chacune, Atonement raconte la séparation de deux amants; Cecilia, la fille aînée d’une famille bourgeoise anglaise, et le jardinier familial, Robbie. À peine ont-ils eu le temps d’exprimer l’un à l’autre leur amour réciproque que Robbie est faussement accusé de viol par la jeune sœur de Cecilia, Briony. On le retrouve dans la seconde partie dans un uniforme de militaire, pendant la Deuxième Guerre mondiale. Cecilia, fidèle à son amour, est devenue infirmière militaire afin de se rapprocher de Robbie. Briony, pour se rapprocher de sa soeur, s’est aussi enrôlée dans le service médical de l’armée anglaise.

Atonement aurait très bien pu se perdre dans la construction de son récit. Toutes les ramifications complexes du roman auraient pu faire du film un fouillis incompréhensible, mais Hampton a su construire son scénario en livrant chaque détail de l’histoire au compte-gouttes avec un minutage parfait. La réalisation complète ce scénario impeccable en mêlant images et sons pour créer une trame narrative basée sur la création littéraire. Dans la première heure, Briony ne rêve que d’écrire, elle compose des pièces pour les faire jouer par ses cousins et elle-même. Alors qu’elle est infirmière pour l’armée, elle écrit en secret un roman qui raconte l’histoire de Cecilia et Robbie, tentant ainsi de se soulager de sa culpabilité et d’expier sa faute. Le traitement de cette thématique s’étend même jusqu’à la musique de Dario Marianelli. Il intègre une rythmique de sons provenant d’une machine à écrire dans la trame sonore, indice que l’histoire de Briony s’écrit devant nous.

Wright joue habilement avec la perception et l’incertitude des personnages dans la première partie, où ces notions sont primordiales pour la suite des choses. Les images clés qui mèneront à la séparation des amants sont répétées selon chaque point de vue, c’est-à-dire celui des personnages, et celui du narrateur. Celui-ci nous laisse ressentir le doute de Briony lorsqu’elle dénonce Robbie, pour mieux nous faire découvrir ensuite la jalousie qui l'habite, puis son terrible sentiment de culpabilité. Celui-ci transforme la petite peste naïve de la première partie en jeune femme rongée par le remord et repentie.

Dans la seconde heure, on peut croire que le film va tomber dans le drame de guerre traditionnel; mais les scènes épiques tant louangées par certains ont soit échappée au regard de votre interlocuteur, soit été coupée par les dirigeants du AMC Forum 22. La deuxième partie n’est pas une suite de scènes de guerre grandiose et sanglante, mais plutôt un portrait des militaires détruits par une guerre horrible. Certes les horreurs de la guerre ont été mille fois montrées, et même avec beaucoup plus de réalisme; mais les préoccupations d’Atonement sont tout autres, une grande bataille aurait donc été complètement inutile. L’impressionnante finale, surtout pour ceux qui n’ont pas eu la chance de lire le roman, laisse découvrir une ingénieuse mise en abîme.

Des artistes de haut niveau accompagnent Wright dans son œuvre : les images du directeur photo Seamus McGarvey, parfois léchées, parfois sales, mais toujours précises et magnifiques collent parfaitement au scénario brillamment construit de Christopher Hampton. Le plan séquence sur la plage de Dunkerque, avec son millier de figurants, d'une durée d'environ six minutes est à couper le souffle. La musique est, quant-à-elle, tout-à-fait grandiose, et ne tombe jamais dans la manipulation sentimentale. L’interprétation est toujours juste et aucun acteur ne tombe dans le sentimentalisme à l’eau de rose qu’un titre comme Expiation (titre de la version française) pourrait évoquer. Trois comédiens se démarquent du lot : James McAvoy qui incarne un amant fidèle et un héros courageux avec crédibilité et passion, puis les deux actrices qui incarnent Briony, enfant et adulte, Saoirse Ronan et Romola Garai. L’une propose une enfant amoureuse dont la jalousie guide les actions, et l’autre une jeune femme détruite par la culpabilité. Les deux femmes jouent avec intensité et sont toutes deux très convaincantes. Il faut aussi souligner la courte apparition de Vanessa Redgrave en Briony âgée.

Candidat idéal pour les Oscars de 2008, Atonement est aussi un atout majeur dans la filmographie de Joe Wright et montre qu’il est un grand réalisateur qui entame sa carrière avec une œuvre surprenante et fabuleuse. Les amateurs de David Lean, et plus particulièrement ceux de Doctor Zhivago, seront comblés par l’aspect grandiose du film. Les cinéphiles ne pourront qu’être en admiration devant la qualité de la mise en scène, rigoureuse et précise, d’un futur maître du romantisme filmique. Bref, les Anglais sont encore capables de nous impressionner par leur sens artistique, mais toujours pas par leur gastronomie.




Version française : Expiation
Scénario : Christopher Hampton, Ian McEwan (roman)
Distribution : James McAvoy, Keira Knightley, Brenda Blethyn, Julia West
Durée : 130 minutes
Origine : Royaume-Uni, France

Publiée le : 15 Janvier 2007