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ARMAGEDDON (1998)
Michael Bay

Par Nicolas Krief

« Je fais des films pour les adolescents mâles. Quel drame! » -Michael Bay

En terme de proportions, Bruce Willis a sauvé plus de gens que n’importe quel héros d’Hollywood. Un immeuble rempli de bureaucrates, un aéroport rempli de voyageurs, une ville remplie de New Yorkais. Michael Bay utilise le héros des héros à bon escient et joue dans la démesure pour son troisième long-métrage en envoyant dans l’espace une bande de foreurs/cowboys afin de sauver la Terre d’un astéroïde qui se dirige vers elle à toute vitesse. Le film dure 153 minutes, est bourré de sous-entendus sur l’industrie du pétrole, de clins-d’œil à la domination mondiale américaine et de scènes d’action merveilleusement mises en scène. Michael Bay, le maître du culte des explosions spectaculaires, est au comble de son exagération et de son goût pour la pyrotechnie de haut niveau.

Au début du film, Billy Bob Thorton explique au président des États-Unis qu’un astéroïde de la taille du Texas se dirige vers la terre. Le Texas fait 696 241 km², c’est donc une grosse masse rocheuse qui s’en vient faire un méga party de destruction sur la planète USA. Lors de la collision, le choc ainsi que les radiations tueront tous les hommes, femmes et enfants de Washington DC. et du monde. La Nasa (National Aeronautics and Space Administration) décide d’envoyer une équipe afin de creuser un trou de 250 mètres dans l’astéroïde et y faire sauter une bombe nucléaire afin de séparer la grosse roche en deux, la faisant ainsi passer à côté de la Terre. Tout un programme pour une équipe de foreur dirigée par un Bruce Willis en pleine forme.

Bruce est l’outil de propagande principal du film. En effet, dès le début, on le voit frapper joyeusement des balles de golf et crier des insultes en direction d’un bateau de Green Peace rempli de militants anti-pollution, sur sa plate-forme de forage au milieu de l’océan. Cette glorification du chef viril qui rapporte l’or noir au pays se poursuit tout au long de l’œuvre, transformant tous les personnages secondaires en faire-valoir. Les traits de caractères de chaque membre de l'équipage sont introduits d’une manière qui défie les lois de la stupidité. Chacun d'eux défile devant un psychologue (Udo Kier), et pendant un montage humoristique ridicule, on assiste à un cirque de sanglots et de bouffonneries; simagrées qui ont pour but de définir chaque personnalités. De toute la distribution, c’est à Steve Buscemi qu’on a confié le rôle le plus intéressant, et probablement le plus amusant à incarner. Il interprète un génie scientifique instable et pervers ; l’acteur joue avec un plaisir contagieux. Ben Affleck propose quant à lui sa variation d'un adolescent attardé d’une simplicité désarmante. Il est le fils spirituel de Bruce Willis, qui assurera la succession de ce dernier lorsqu’ils seront de retour sur la planète bleue, et en prime, la fille de Willis l’attend patiemment sur la terre ferme. Peter Stormare incarne le seul personnage non américain du film, un astronaute russe qui vit depuis plusieurs mois dans une station spatiale. Il se joint par la force du hasard à l’équipage et clame haut et fort pour le reste du film qu’il est plus compétent que les autres, mais jamais il ne montre ses talents.

Michael Bay ne fait jamais les choses à moitié. Il aborde des thèmes d’une importance capitale pour son peuple : le pétrole, la relation père fils, le drapeau américain, et plusieurs autres. En nous présentant un héros foreur d’une rare masculinité, Bay fait de l’industrie pétrolière le principal objet de louange de son film. Dès ses premières minutes à l’écran, Bruce, avec son attitude de mâle alfa désinvolte, affirme sa domination totale sur l’ensemble du film. Il est très drôle, plus tard, de le voir dicter des ordres, en tant que creuseur de trou expérimenté, à un des commandants de la Nasa.

Bruce et Ben, malgré une relation qui peut sembler conflictuelle, sont un père et un fils exemplaire selon le modèle états-unien. Le jeune marche dans les traces du vieux, il est insouciant mais courageux, et l’expérience de Bruce vient compléter son éducation pour qu’il puisse reprendre l’affaire familiale, et la famille elle-même. C’est l’omniprésence du drapeau américain qui est l’emblème du cinéma de Michael Bay : il flotte bravement, transpercé par des balles et étendu de tout son long dans les eaux du Pacifique dans Pearl Harbor, il est planté sur l’astéroïde dans Armageddon, et servira peut-être de parachute dans Bad Boys 3. On le voit aussi sur l’uniforme de presque tous les personnages, sur le t-shirt du fils de Will Patton ainsi que plusieurs fois inutilement, dans les airs, comme ça.

Grâce à son immense talent de manipulateur, Bay nous fait réaliser que nous, pauvres petits non-états-uniens (peut-être même infidèles), sommes bien peu de chose face à cette grande menace. Même si c’est la Terre au complet qui sera sauvée à la fin, seul le peuple américain mérite vraiment cet honneur. Les images du reste du monde sont très rares : à part voir quelques villes non-américaines se faire détruire par des comètes et des manifestations tribales (des prières musulmanes entre autre) pour remercier les Américains d’avoir sauver la planète. En prime, Bay nous offre aux premières loges la destruction de Paris et ses environs. Mis à part cela, le cinéaste filme quelques bonnes gens du Moyen-Orient, de l’Europe et de l’Afrique qui regardent le ciel, espérant voir les valeureux cowboys triompher d’un ennemi qui n’est, pour une fois, pas l’un d’eux.

Si on oublie tous les sous-entendus, les messages et la manie qu’a Michael Bay de faire exploser tout ce qu’il n’aime pas, Armageddon est un film d’une efficacité poignante. Les acteurs jouent dans le ton et la mise en scène experte arrivent à racheter ce ramassis de clichés hollywoodiens et à nous faire oublier que ce film est l’ultime outil de propagande. C’est en fait un modèle à suivre, ou plutôt à ne pas suivre, car il comporte tous les éléments nécessaires au film d’été sans scrupule. Jamais un National Treasure ne pourra arriver à la cheville d’Armageddon en ce qui s’agit de la symbolique hollywoodienne. C’est la principale caractéristique du film : il est la quintessence du cinéma propagandiste américain, ça en fait un parfait objet d’analyse ainsi qu’un divertissement hyper efficace.




Version française : Armageddon
Scénario : Jonathan Hensleigh, J.J. Abrams, Tony Gilroy, Shane Salerno
Distribution : Bruce Willis, Billy Bob Thornton, Ben Affleck, Liv Tyler
Durée : 153 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 7 Janvier 2008