APPLESEED (2004)
Shinji Aramaki
Par Charles McDermott
L’animation se définit comme un monde bien étrange.
Bien que l’on y retrouve des œuvres marquantes et des petits
bijoux autant visuels que narratifs, on ne peut s’empêcher
de voir que deux camps semblent se creuser un canyon dans ce mystérieux
univers. D’un côté, dessinant avec ardeur, les artistes
qui concentrent leurs efforts uniquement sur la beauté de l’animation,
quitte à perdre beaucoup d’éléments importants
en chemin. De l’autre, les raconteurs s’obstinant à
se tourner beaucoup plus vers une trame narrative intéressante
plutôt que de miser sur un visuel bien beau à l’œil,
mais qui n’aura qu’un impact mineur dans le futur. Appleseed,
célèbre manga du légendaire Shirow Masamune (le
cerveau derrière l’impressionnant Ghost In The Shell),
offrait un potentiel d’adaptation cinématographique comparable
à son grand frère, c'est-à-dire un film qui aurait
pu se révéler marquant et révolutionnaire. Malheureusement,
Shinji Aramaki n’étant pas Mamoru Oshii ou Hayao Miyazaki,
le résultat se révélera fort décevant et
frustrant. Une frustration qui n’est pas nourrie sans feu.
Appleseed, c’est la vision d’un monde après
une Troisième Guerre mondiale. Une guerre qui décimera
une bonne partie de la population humaine. Après cet apocalyptique
évènement, les derniers survivants décident que
la violence se doit d’être supprimée et que la paix
devait être la seule chose pouvant régir ce monde. Avec
l’aide de nombreux scientifiques, les survivants gagnent leur
pari en créant une ville utopique nommé Olympus, en plus
de donner naissance à une nouvelle génération de
cyborgs, les Bioroïds. Ces humains robotiques se font assigner
pour mission de conserver les émotions des êtres humains
afin que ceux-ci ne causent plus aucun mal. Malheureusement pour la
race humaine, un scientifique réussit à créer un
programme qui permet aux Bioroïds de se reproduire comme de véritables
humains. Toutefois, les humains ne l’entendant pas de cette oreille,
décident de supprimer le scientifique devant les yeux de son
unique fille. Cette petite fille, entrainée par son père
à devenir le combattant ultime, se révélera être
une clé importante pour l’avenir des deux races. La première
chose qui vient à l’esprit après avoir vu une pareille
histoire est de se demander si le scénariste avait une idée
originale en tête. Bien que fidèle aux mangas, le film
se surpasse dans une démonstration forte en clichés et
en invraisemblances.
Le personnage principal, Deunan Knute, est le seul protagoniste qui
réussit à échapper à un développement
de personnages totalement vide et sans vie. Et malheureusement pour
ce personnage, il est tout sauf original. Il est comparable à
l’évolution d’un personnage principal d’un
film d’action à la sauce Steven Seagal. On oubliera le
cyborg mi-humain qui, vous le devinerez, se révèle comme
étant l’ancien amant de l’héroïne, le
cyborg féminin qui voudra tout comprendre des sentiments et on
s’amusera devant un vilain qui agit sans aucune motivation valable,
si ce n’est sa propre haine envers Deunan. Haine qui se révélera
être complètement insensée et qui représente
bien le type de personnages qu’on ne veut plus voir dans cette
décennie.
Ce qui est dommage, c’est que Aramaki n’ait pas tenu compte
des références philosophiques, sociales et humaines du
manga. Bien qu’on y retrouve un embryon de thèmes intéressants,
la tristesse de les voir s’effacer après seulement quelques
minutes de pellicules vient effacer le peu d’espoir qui subsistait
dans le film. Seul survit le monde de Olympus, un habile mélange
entre l’ancienne hiérarchie des dieux grecs et le système
américain. Un paradis qui n’est qu’une illusion,
se rapprochant facilement de notre réalité. Un seul lien
et il aura fallu que celui-ci soit d’une subtilité tellement
simple qu’on se demande s’il devait y avoir subtilité.
Par contre, et il faut applaudir les artistes ici, l’animation
se révèle très impressionnante. Il s’agit
véritablement d’une révolution tout bonnement fantastique.
Fusionnant l’animation de synthèse et de papier, on assiste
à la naissance d’un genre malheureusement loin d’atteindre
son objectif. C’est bien joli à l’œil, mais
le style ne propose rien de nouveau en ce sens. Les personnages sont
physiquement tous parfaits, passant de l’homme musclé et
parfaitement construit à la femme dont les courbes rendraient
tous les membres du genre féminin jalouses. Si les personnages
se révèlent ordinaires, le monde qui les entoure est éblouissant.
C’est à croire que l’environnement est plus diversifié
et plus vivant que ses habitants. Mais le génie du style se cache
derrière ces merveilleux «mecha», les robots géants
à apparence humaine qui, bien que souvent utilisés dans
ce genre de films, se révèlent être ce que le film
offre de mieux. Cette impressionnante fresque est malheureusement gâchée
à cause d’un montage répétitif qui donne
lieux aux scènes d’action les plus clichées depuis
des années, et une mise en scène complètement calquée
sur le moule de The Matrix. Ajoutez à cela une musique
techno surutilisé dans ce genre et le tableau perd rapidement
le charme de sa peinture.
Finalement, ce film est une déception en tout point. Une déception
qu’on ne souhaitait pas, mais qui arriva tout de même. Bien
sûr, l’animation sauve un peu le résultat et le film
procure une bonne dose de divertissement mais, quelques fois, la forme
ne sauve pas le fond. Et ce fond est ici bien visible, malgré
un juteux enrobage. Le premier film de Shinji Aramaki surpasse le Final
Fantasy d’Hironobu Sakaguchi de peu dans les tentatives de
vouloir à tout prix surprendre le monde de l’animation
en oubliant au passage un scénario intéressant. Dans le
même genre, les deux merveilleux Ghost In The Shell qui,
personnellement, valent beaucoup plus la peine que ce vulgaire festin
visuel. Qu’est-ce que le Appleseed? C’est à
vous de décider si vous voulez le découvrir.
Version française : Appleseed
Version originale : Appurushîdo
Scénario : Haruka Handa, Tsutomu Kamishiro, Shirow Masamune
(comic)
Distribution : Ai Kobayashi, Jûrôta Kosugi, Yuki Matsuoka,
Asumi Miwa
Durée : 105 minutes
Origine : Japon
Publiée le : 15 Octobre 2005
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