L'APPARTEMENT (1996)
Gilles Mimouni
Par Frédéric Rochefort-Allie
Souvent, quand on ose prendre un chemin différent, il n'est pas
long qu'une vague d'imitateurs tente de suivre le courant. C'est pourquoi,
peu importe la nationalité, les sleeper hits sont souvent
convoités par les studio américains les moins originaux.
Après les Just Visiting (Les Visiteurs) et
True Lies (La Totale), c'est maintenant au tour du
cinéma d'auteur d'être visé par ce grand phénomène
de recyclage intensif. Voici donc qu'en 2004, le film L'appartement
fut repris et américanisé sous le titre Wicker Park.
Pratiquement indisponible ici au Canada, le film original est maintenant
littéralement oublié et agit certainement à titre
de ramasse poussière dans le club vidéo près de
chez vous.
Max (Vincent Cassel), un homme d'affaire pour qui tout lui réussit,
doit se marier d'ici peu. Alors qu'il doit choisir une alliance, son
choix se pose sur trois types de bagues. Les trois se comparant aux
femmes de sa vie. Max tentera au fil d'un voyage à Tokyo avorté,
de retrouver la trace d'un amour perdu, la belle et mystérieuse
Lisa (Monica Belluci).
Normalement, Vincent Cassel et Monica Belluci attirent les foules et
le remake aurait pu jouer en la faveur de l'original, comme le fit Vanilla
Sky pour Abre Los Ojos par exemple. Cassel, à défaut
de ne pas avoir la cote, est un acteur authentique et qui possède
énormément de charisme, qui sait comment se doser en fonction
des scènes qu'il doit incarner. C'est un acteur brillant! Belluci
par contre, qu'on pourrait qualifier de Sophia Loren du nouveau millénaire,
semble mal à l'aise en ce début de carrière dans
cette langue qui n'est pas la sienne. Les mots sont prononcés
mais ne sont pas ressentis. Son personnage est donc étonnamment
plus froid que l'interprétation de Diane Kruger dans le remake.
Puis, c'est de même pour le reste de la distribution. C'est tout
à l'avantage de son petit frère américain.
Alors que Paul McGuigan préférait une approche pop tape
à l'oeil, Gilles Mimouni réussit à créer
le petit frère légitime de Vertigo. Pastiche
soigneusement réalisé des thrillers hitchcockiens, L'Appartement
est un scénario tout à fait ingénieux. Faisant
des bons constants entre passé et présent et changeant
de point de vue de personnages en cours de route, cette structure s'inscrit
en plein dans le courant des années 90 et pourtant, il vient
se clore sur une note franchement marquante et terrifiante dont la seule
comparaison possible en revient encore à ce cher bon vieux Alfred.
Même la musique fait des références plus qu'évidentes
à Bernard Hermann.
Faute de moyens, la réalisation très intéressante
(et unique de Mimouni) emprunte parfois des techniques qui donnent à
certains plans un aspect téléfilm ou mauvais roman savon.
Sur ce point, il est fascinant de comparer le travail effectué
par le réalisateur du film original et celui de son contemporain,
qui lui aussi gâche certaines idées mais qui par contre
ne peut être excusé par son budget. Alors que certains
plans sont carrément similaires entre les deux films et qu'ils
partagent la même intrigue de fond, ce sont deux films à
part entière.
Si le film n'avait pas fait ces quelques faux pas, il serait sans doute
parmi les oeuvres cultes chez lesquelles le cinéphile s'amuse
à disséquer et analyser de fond en comble pour y trouver
ce qu'il croit être la clef du film. On retiendra de L'Appartement
la maitrise des ambiances de Mimouni et son scénario terriblement
original qui fait réfléchir assez sérieusement
sur le destin, le hasard et l'amour. Pourquoi le cinéaste n'a-t-il
pas continué à créer? Pourquoi s'être contraint
à une seule oeuvre? La réponse à ces questions
repose peut-être sur les tablettes de votre club vidéo.
Version française : -
Scénario :
Gilles Mimouni
Distribution :
Gilles Mimouni
Durée :
Romane Bohringer, Vincent Cassel, Monica Belluci
Origine :
France
Publiée le :
23 Mai 2005