ANYTHING ELSE (2003)
Woody Allen
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Depuis longtemps, on accuse Woody Allen de radoter le même film.
On affirme haut et fort que ses auteurs en panne d'inspiration et les
femmes qui les aiment n'ont plus rien à dire. Depuis quelques
années, le vieux Woody avait rétorqué à
cette critique en effectuant un retour aux comédies légères
des premiers temps. De cette réaction sont nés des films
tels que Small Time Crooks et The Curse of the Jade Scorpion.
Des films simples et naïfs qui, en gros, n'offraient rien de neuf
mais ne semblaient pas non plus être troublés outre mesure
par leur insignifiance somme toute sympathique.
Règle générale, on en veut surtout à Allen
de toujours jouer le même rôle. Il est donc ironique que
cet Anything Else, où son personnage est d'une certaine
manière l'antithèse de tout ce qu'il affirme habituellement,
soit son film le plus prévisible et redondant depuis des lustres.
Anything Else reprend presque un à un les thèmes
d'Annie Hall, au point où l'on croit même voir
le vieux réalisateur poussant son jeune alter ego Jason Biggs
à ne pas répéter les erreurs que commettait dans
le passé Alvy, c'est-à-dire à ne s'attacher à
rien, surtout pas à une ville où à une femme. L'humoriste
s'attaquait autrefois à la Californie. Aujourd'hui, il y envoie
son protégé presque contre son gré.
Malheureusement, il ne se cache ici presque rien d'intéressant
au-delà de cet étrange revirement de situation. Anything
Else, c'est du Woody Allen à son plus paresseux où
l'inimitable New-yorkais nous régurgite sans grande inspiration
quelques délires amoureux prédigérés avec
en arrière-plan des paysages de carte postale de sa ville fétiche,
sans l'inspiration d'antan, cela va sans dire. Si Allen se permet de
cabotiner joyeusement dans un contre-emploi gâteux, c'est qu'il
donne ici à Jason Biggs son propre rôle question d'éviter
les commentaires de grand-père pervers qui ont marqué
les dix dernières années de sa carrière.
Mais il ne fait aucun doute que le Jerry Falk qu'interprète la
jeune vedette d'American Pie est une autre incarnation détournée
d'Allen, dans la même veine que le Lee Simon de Celebrity
et que le David Shayne de Bullets Over Broadway. Exception faite de
Danny DeVito, Allen confie ici la majeure partie de ses rôles
à une distribution plus jeune qu'à l'habitude. Sauf que
cette opération de rajeunissement ne s'effectue qu'en surface
avec comme résultat final une scène absurde où
une bande de jeunes se retrouve à un concert de Diana Krall,
qui vend habituellement des automobiles aux pères de famille
en pleine crise de quarantaine.
"Even an old broken clock is right twice a day."
Ce gag que glisse Allen dans un des échanges entre Dobel et Falk
s'applique heureusement à Anything Else. Même
un Allen douteux tel que celui-ci a ses bons moments. C'est d'ailleurs
le personnage de Dobel, un vieil humoriste un peu fou qui voit de l'antisémitisme
dans sa soupe, qui fournit la majeure partie de ceux-ci. Cependant,
l'absence totale de chimie entre Biggs et Christina Ricci rend tout
le pan du film qui leur est consacré maladroit et tristement
unidimensionnel. Tant et si bien que leur intrigue amoureuse devient
carrément secondaire malgré tout le temps d'écran
qui lui est consacré.
Vers la fin d'Anything Else, Falk ne parle plus que de Dobel.
Sa relation avec Amanda est devenue secondaire à celle qu'il
entretient avec son mentor détraqué. Woody Allen a raté
son coup. Il n'arrive jamais à rajeunir son éternel archétype
de l'amoureux névrotique et s'avère incapable de concentrer
sa caméra sur quelqu'un d'autre que lui-même. Les inaliénables
fanatiques du célèbre juif à lunettes seront certainement
amusés. Mais Anything Else demeure une comédie
moyenne, écrite sans grande finesse et sans grande inspiration,
qui donne au mieux le goût de revoir pour la millième fois
Annie Hall.
Version française :
La Vie et tout le reste
Scénario :
Woody Allen
Distribution :
Jason Biggs, Christina Ricci, Woody Allen, Stockard
Channing
Durée :
108 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
13 Décembre 2005