ANTHONY ZIMMER (2005)
Jérôme Salle
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Vous ne vous sentez pas trop exigeant ce soir. Vous voulez voir un thriller
rondement mené, du genre à ne pas être trop prévisible
sans pour autant vous surprendre sérieusement en bout de ligne.
Vous n'aspirez finalement qu'à être légèrement
diverti et à tuer un peu de temps. Ce n'est pas un dimanche après-midi
pluvieux passé devant la télévision, mais presque.
Même dans ces conditions favorables où vos standards de
qualité sont sérieusement abaissés par des attentes
amoindries, sachez qu'Anthony Zimmer ne fera pas le boulot.
Lorsque l'inspiration manquera à l'appel dans un quelconque club
vidéo, ne vous retournez pas vers le film de Jerôme Salle
en espérant que vous aurez droit à un honnête petit
polar français. Car Anthony Zimmer est symptomatique
des états d'âmes actuels du cinéma commercial français.
Incapable de s'affranchir du moule américain qu'il tente désespérément
de reproduire, il s'enfonce dans les mêmes eaux troubles que la
production cinématographique canadienne.
Rendons à César ce qui lui appartient. Jerôme Salle
a quelques idées à partager, la plus inspirée de
celles-ci étant bien sûr de donner à la jolie Sophie
Marceau le rôle de femme fatale de service. Au-delà de
ce choix purement esthétique, entendons-nous cependant pour dire
que son film n'a rien de bien intéressant à proposer.
C'est un thriller sans suspense et sans substance dont tous les revirements
sont télégraphiés deux scènes à l'avance.
Faisant un usage peu habile des enseignements du maître Hitchcock,
Anthony Zimmer n'arrive jamais à dépasser la
mécanique froide, peine à atteindre un rythme de croisière
satisfaisant et s'éteint sur l'un des pires pétards mouillés
des dernières années. Ne reste plus qu'une enfilade de
fantasmes de richesse convenus à digérer tel un catalogue
de produits de luxe où défilent automobiles dispendieuses
et destinations vacances de rêve.
À ce niveau bassement matérialiste, Anthony
Zimmer n'a jamais le panache d'un James Bond tout
équipé et se contente de jouer sans grande conviction
la carte de l'espionnage international et des apparences trompeuses
sans trop les maîtriser. Il y a bien pire, c'est sûr, mais
pourquoi devrait-on se contenter de si peu? Le degré de tension
zéro qu'arrive à atteindre le film de Salle est tel qu'il
en devient presque étonnant. Comme pour compenser, le scénario
mise finalement sur une histoire d'amour peu crédible pour étoffer
une intrigue qui trébuche à tout bout de champs. La chimie
ne s'installe jamais de manière convaincante entre Marceau et
Yvan Attal.
Bien sûr, le travail technique n'est pas totalement loupé.
Mais on sent malgré tout que les tendances esthétiques
actuelles y sont utilisées plutôt comme béquilles
que comme épice visuelle. Les reflets de soleil dans la lentille
de caméra ne semblent pas calculés mais plutôt tolérés.
Dans l'ensemble, la ratatouille superficielle que nous sert Salle n'est
pas particulièrement relevée. Que lui reste-t-il donc?
Bien peu de choses en fait, sinon cette parade propre et léchée
de belle chaire et de beaux vêtements que l'on sent bien éloignée
de toute préoccupation cinématographique. À trop
vouloir se la jouer jet-set, Anthony Zimmer finit par perdre
tout sens de réalité mais il n'arrive jamais à
égaler la démesure surnaturelle de certains produits moins
maniérés. Mais son élégance demeure purement
plastique, tandis que le scénario souffre de ne pas avoir été
peaufiné assez.
Ne reste plus qu'un malaise, celui d'assister une fois de plus à
l'abdication du cinéma français face à la domination
de l'Amérique. Abdiquant toute forme d'identité nationale,
cette sauce policière anonyme diluée à l'eau de
rose perd toute forme d'intérêt. Anthony Zimmer
n'arrive jamais à faire embarquer le spectateur dans son jeu
et par le fait même échoue systématiquement à
le manipuler convenablement. Ce qui, pour un disciple aussi peu subtil
d'Hitchcock, est le pire des échecs. Alors, pourquoi se contenter
de si peu?
Version française : -
Scénario :
Jérôme Salle
Distribution :
Sophie Marceau, Yvan Attal, Sami Frey, Gilles Lellouche
Durée :
90 minutes
Origine :
France
Publiée le :
22 Mars 2006