THE AMITYVILLE HORROR (1979)
Stuart Rosenberg
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Réduit à sa plus basse expression, le cinéma d'horreur
devient une affaire purement financière. Au-delà de l'évidence
même que de tels films sont produits dans le but d'engranger des
profits et du fait que le spectateur est pour sa part prêt à
échanger son argent durement gagné pour assister à
de tels carnages orchestrés, la principale préoccupation
du genre est d'ordre monétaire. Prenons ce médiocre Amityville
Horror à titre d'exemple. À la base, il s'agit de
l'histoire d'une famille qui achète une maison bien en deçà
de sa valeur marchande réelle. L'affaire semble trop belle pour
être vraie. Mais il y a bel et bien un hic, et il est plutôt
problématique. La cabane en question fut le théâtre
d'une série de meurtres sordides il y a de cela quelques années
et désire être dédommagée par ces nouveaux
propriétaires qui n'ont pas payé leur dû. L'aspect
surnaturel de l'histoire n'est qu'un prétexte à une rétribution
bassement matérielle.
Avec le recul, on peut affirmer sans se tromper que la remarquable fortune
commerciale de The Amityville Horror est une étrange
incohérence de l'histoire du cinéma. La seule justification
logique que l'on puisse dénicher pour expliquer cette forte réaction
populaire au film de Stuart Rosenberg est la suivante: le best-seller
dont il est l'adaptation était prétendument « inspiré
de faits vécus », ce qui a eut pour effet d'amplifier l'effet
de terreur provoqué par ce produit pourtant raté sur toute
la ligne. À bien y penser, The Amityville Horror est
un film carrément ridicule. La majeure partie de ses interminables
deux heures sont consacrées à une succession de plans
montrant Margot Kidder hystérique et à quelques séquences
où James Brolin aiguise sa hache avec une affection presque romantique.
Aux alentours de 1995, la famille Lutz a admis que toute cette histoire
de maison possédée et de visions cauchemardesques de cochons
géants n'était qu'un amas de balivernes monté de
toute pièce pour vendre quelques millions de copies d'un bouquin.
Le fait divers ayant été démenti, plus rien ne
distingue cette histoire de maison hantée d'une autre si ce n'est
son absence cruelle d'extravagance ou d'inventivité. N'allez
pas croire que The Amityville Horror atteint un certain degré
de réalisme ou de crédibilité. Sa débilité
technique entre automatiquement en conflit avec ce genre d'aspirations.
Seulement, le film de Rosenberg se complaît dans le terre-à-terre
le plus total et le plus ennuyant qui soit.
D'où la nature purement financière du drame étalé
ici. Le personnage de Brolin s'énerve parce qu'il perd de l'argent
dans son salon. Lorsqu'il devient dingue et isolé, le seul individu
à venir le perturber dans sa retraite est un associé inquiet.
Brolin n'est pas venu signer les chèques de paye de ses employés.
Le charabia religieux est d'une incohérence admirable et le personnage
du père perturbé par les émanations sataniques
de la maison n'est qu'un élément secondaire agaçant,
mal rattaché à l'intrigue principale. The Amityville
Horror est un film décousu dont la forme délabrée
atténue l'impact viscéral.
Que le cinéma hollywoodien soit rendu au stade où il doit
piller ses propres poubelles pour s'inspirer exprime admirablement la
gravité de sa situation. The Amityville Horror incarne
tout ce que l'on peut reprocher au cinéma d'horreur. C'est un
film vulgaire et incompétent dont les préoccupations ne
dépassent pas le niveau du porte-monnaie. En ce sens, il est
logique que les producteurs aient par la suite cannibalisé sur
le succès de ce premier film pour édifier une médiocre
saga de films à peine plus valables que l'absolu fond du baril
- mieux connu sous l'appellation maudite de Friday the 13th.
The Amityville Horror est un film à éviter, et
même le réalisateur de l'hilarant ''making of'' accompagnant
la plus récente édition de la chose en question semble
en être conscient.
Version française :
Amityville
Scénario :
Sandor Stern, Jay Anson (livre)
Distribution :
James Brolin, Margot Kidder, Rod Steiger, Don Stroud
Durée :
117 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
23 Février 2006