AN AMERICAN WEREWOLF IN LONDON (1981)
John Landis
Par Alexandre Fontaine Rousseau
L'horreur est un genre fondamentalement adolescent. Les thématiques
qui y sont abordées révèlent fort souvent une sexualité
inassouvie et à peine explorée. Les mutations qui y sont
souffertes symbolisent les complexités de la puberté.
En ce sens, John Landis était l'homme idéal pour remettre
au goût du jour cet archétype fondateur du cinéma
d'horreur qu'est le loup-garou. Le réalisateur des Blues
Brothers et d'Animal House est passé maître
dans l'art d'être immature tout en faisant preuve d'un certain
degré d'intelligence. Dans son Anatomie de l'horreur,
l'auteur Stephen King affirme que le loup-garou est l'expression d'un
« conflit païen entre le potentiel apollinien de l'homme
et ses désirs dionysiaques ». En gros, le lycanthrope moyen
est déchiré par une dichotomie freudienne entre la répression
et l'assouvissement de ses fantasmes.
Le drame véritable de David dans An American Werewolf in
London est de n'avoir nullement besoin de la libération
totale que procure sa condition. Dans l'Angleterre puritaine de l'ère
victorienne, le respectable Dr. Jekyll se libérait des pressions
morales et sociales associées à son rang en devenant l'abominable
Mr. Hyde. David ne souffre d'aucune répression réelle.
Il est en vacances prolongées en Europe et culbute joyeusement
une jolie infirmière anglaise lorsque s'abat sur lui cette malédiction.
Il est déjà émancipé des rares contraintes
de son époque. Sa douloureuse transformation en loup-garou est
tout au plus la représentation grotesque d'une puberté
inévitable. Le drame de David est un anachronisme. Le film de
John Landis l'est tout autant; il s'agit d'un retour conscient quarante
en arrière jusqu'à la glorieuse époque des monstres
mythiques des studios Universal.
D'ailleurs, An American Werewolf In London est à la
fois façonné à la manière d'un hommage,
d'une parodie et d'un authentique film d'horreur. C'est en partie ce
qui explique la réussite qu'il représente. À l'instar
d'Evil Dead 2 ou du Re-Animator de Stuart Gordon,
An American Werewolf In London fait rire tout autant qu'il
fout la trouille. Cet équilibre en apparence fort simple est
en réalité très difficile à atteindre. Voilà
pourquoi la plupart des films d'horreurs échouent lamentablement.
L'insertion d'une touche d'humour exacerbe notre tendance naturelle
à nous détacher de l'action. Si le spectateur arrive devant
un film en répétant sans cesse que ce n'est qu'un film,
l'illusion magique permettant la naissance de la terreur ne s'établira
jamais. Nous ne pouvons pas avoir peur de ce en quoi nous ne croyons
pas.
En ce sens, le film de Landis fonctionne parce qu'il joue la carte de
l'humour sans l'imposer superficiellement. Les personnages d'An
American Werewolf In London sont drôles. Ils livrent instinctivement
des répliques sarcastiques parce que c'est dans leur nature même
avant qu'un élément surnaturel ne vienne perturber leurs
vies. Parce qu'il baigne dans les métaphores pubères évidentes
et dans une atmosphère de délinquance juvénile,
Werewolf fonctionne à merveille. Il s'accepte complètement
en tant que foire des hormones déchaînées. An
American Werewolf In London ne se cache pas derrière un
masque de sophistication illusoire. Il exploite le potentiel dégueulasse
de ses effets spéciaux sans trop forcer la note. Les visites
récurrentes du fantôme de Jack, première victime
du film, sont marquées par sa décomposition graduelle.
Elles illustrent à la fois l'humour du film de Landis et son
goût pour le sordide.
S'étant imposé comme un classique culte au fil des ans,
cet hybride hautement divertissement de la comédie et du cinéma
d'horreur établit un parfait dosage entre l'élément
métaphorique de l'horreur et son côté puéril
et amusant. Ce n'est certes pas un grand film. Mais il demeure néanmoins
facile à aimer. Dans une décennie marquée par le
populisme au grand écran, An American Werewolf In London
est un pur produit de son époque. Les thèmes qu'il aborde
sans grande subtilité sont pour leur part intemporels. Même
la légendaire scène de transformation qui avait fait la
renommé du film de Landis à sa sortie est encore impressionnante.
Lorsque même les effets spéciaux survivent au passage du
temps...
Version française :
Le Loup-garou de Londres
Scénario :
John Landis
Distribution :
David Naughton, Jenny Agutter, Griffin Dunne, John
Woodvine
Durée :
97 minutes
Origine :
États-Unis, Royaume-Uni
Publiée le :
28 Avril 2006