AMERICAN PSYCHO (2000)
Mary Harron

Par Frédéric Rochefort-Allie

Pour un yuppie, le monde se divise en deux catégories: les in et les out. Qui sont-ils ? De jeunes cadres dynamiques en bas de 40 ans qui possèdent une imposante somme d'argent. À New-York, c'est la loi de la jungle, seuls les plus forts survivent. Si ce jeu peut paraitre ridicule, il en est pas moins à la base de l'économie nationale. C'est dans cet univers que gravite le roman de Bret Easton Ellis. Un monde froid, antipathique, individualiste et plus particulièrement violent. Un portrait de la société occidentale moderne.

C'est dans ce monde sans pitié que Patrick Bateman (Christian Bale) y trouve sa «vie» d'homme d'affaires de Wall Street. Personne ne se soucie de lui et vice-versa. Enragé, il deviendra un meurtrier sans mercie qui ne craint pas la vue d'hémoglobine, mais s'en réjouit. Norman Bates n'a qu'à bien se tenir.

Le pilier du film, ce n'est pas la réalisation ou même le scénario, mais plutôt Christian Bale l'acteur principal. Cet homme possède la faculté comme acteur, de s'effacer complètement. Patrick Bateman n'existe plus, il n'est qu'une ombre parmis tant d'Autres dans la jungle de Wall Street. La menace meurtrière de Bateman plane tout de même et l'acteur Bale réussit par les prouesses de son talent, à terrifier tout en étant sympathique. Le narcissisme chez Bateman est démontré chez Bale par un entrainement physique intensif. Ses muscles sont taillés au couteau et sa peau est sans imperfections, bref l'image même de l'obsession du corps. Sidérant si l'on compare le personnage aux autres incarnés par l'acteur, comme un anorexique dans The Machinist. Il est donc un véritable caméléon. Mais il n'est pas le seul ! Car dans la pénombre d'Hollywood, un autre acteur arrive à complètement changer de peau, Jared Leto. L'acteur ayant joué dans Panic Room, Fight Club et le rôle principal de Requiem For A Dream, est une fois de plus méconnaissable. Sa présence d'acteur, sa démarche, on pourrait le confondre avec Bale. Les deux personnages sont des zombies, prisonniers de leur univers matérialiste. L'ensemble de la distribution conserve la même qualité, même Reese Witherspoon colle à l'univers du film en incarnant une snob, ce qui est tout de même étonnant.

La réalisatrice et scénariste, chef d'orchestre de ce massacre, laisse de côté la violence extrême du roman, pour se concentrer sur son message social. Son style grinçant est teinté d'ironie. Elle dépeint une classe sociale dans une époque particulière en jouant avec les clichés pour y soutirer tout son potentiel antisocial et ridicule. Ses personnages ne sont plus humains, simplement des machines jouant un jeu de conventions. Elle se permet aussi bon nombre de références à des meurtriers célèbres ou à des films violents, ce qui ajoute énormément de cohérence à son scénario. La fin, qui confond énormément de gens, y trouve alors un outils pour mener vers une cohérence libre à l'interprétation des gens. American Psycho n'offre pas de solution en tant que telle, soyez en avertis. Bien que son oeuvre soit moins violente que le roman d'Easton, ceux dont la vue de sang les terrifient sont fortement suggérés d'éviter de poser un seul regard sur l'écran. Sans être visuelle, celle-ci demeure particulièrement sadique. La trame sonore, remplie de hits des 80's, deviendra un prétexte à meurtres sanglants.

Bref, ce n'est pas parce que le contenant est drôle que son contenu l'est autant. Le portrait des yuppies illustré dans American Psycho est déprimant et sadique. Ce n'en est pas moins un très bon film, quoique s'adressant à un public averti qui ne redoute pas la violence. Ce film permit à l'acteur Christian Bale de se démarquer parmi les autres de sa génération, ce qui est tout de même étrange quand justement son personnage s'efface dans la société. Sans être le crime parfait, ce film demeure une sacré bonne satire!