ALI (2001)
Michael Mann
Par Frédéric Rochefort-Allie
"Float like a butterfly, sting like a bee."
Que ce soit Maurice Richard, Michael Jordan ou Tony Hawk, chaque sport
possède ses propres légendes. Souvent, elles sont l'étendard
d'une classe sociale, d'une époque ou même parfois d'une
génération. Tel fut le cas pour Muhammad Ali (Cassius
"X" Clay), indéniablement l'un des plus grand sportif
de tous les temps et l'une des personnalités les plus puissantes
des années 60-70. Plus vrai que le Rocky de Stallone,
ce personnage fut l'objet de désir de plusieurs réalisateurs
comme Oliver Stone ou Spike Lee. Ce fut finalement à Michael
Mann que les studios Columbia confièrent le défi d'en
réaliser un film. Lee accusa Mann de ne pas être noir,
les critiques doutaient du choix de casting, bref l'ambiance était
au knock-out.
Si vous connaissez Ali, incarné ici par Will Smith, son histoire
se situe entre les débuts de son amitié avec Malcolm X
et son fameux combat au Zaïre. Le reste, ce ne sont que des pages
d'histoire.
D'emblée, il serait facile de s'attaquer à Will Smith,
cette ancienne star du rap devenue acteur peu apprécié
des critiques. Supporter sur ses épaules les 56 victoires du
boxeur n'est pas simplement exigeant, mais peut aussi s'avérer
être un véritable cauchemar pour l'acteur s’il n'est
pas de taille. Sans joindre les rangs de De Niro pour son interprétation
de Jake La Motta, Will Smith nous livre probablement la meilleure performance
de sa carrière. Il endosse parfaitement le rôle au point
qu'envisager un autre acteur incarnant l'athlète est tout à
fait impossible. Smith est Ali. Notons que les deux hommes possèdent
ne serait-ce qu'un point en commun, les deux font du rap. John Voight,
quant à lui, n'est ni extraordinaire ni banal. L'engouement qu'ont
eu les Américains par rapport à sa performance est probablement
dû au facteur maquillage (facteur reponsable entre autres des
nominations de Nicole Kidman pour The Hours et Charlize Theron
pour Monster). Certains acteurs comme Jamie Foxx ou Jada Pinkett
Smith adoptent un jeu surprenant pour ce qui leur est réputé
habituellement.
La musique frappe aussi très fortement par son lien plutôt
étroit, tant culturellement que symboliquement passant tantôt
par l'électronique ou le R&B. C'est la chanson Tomorrow
de Salif Keita qui marque la plus, tant elle vient accentuer les dimensions
irréelles que prend le combat au Zaïre. De grandes présences
musicales viennent colorer un peu l'ambiance de certaines scènes.
Si le film se perd un peu dans son montage plutôt lent et un scénario
un peu trop contemplatif, Ali est une véritable perle
en ce qui conscerne le travail de Mann. Je ne puis que lever mon chapeau
bien haut pour une composition d’images comme on en voit que trop
rarement à notre époque. Du travail tout à fait
remarquable! Cependant, parfois l'aspect esthétique est préféré
à la cohérence du langage filmique. Mais d'un autre côté,
cet aspect contribue à créer une personnalité tout
à fait unique à l'oeuvre de Mann. Bien qu'Ali
puisse ressembler à Raging Bull pour certains plans
dans les scènes de combat, Mann s'efforce d'y tailler sa place.
Les 30 premières minutes du film atteignent la perfection, tant
au niveau technique que par la métaphore qu'elles évoquent.
Même l'utlilisation du numérique est tout à fait
justifiée et vient créer un état second chez Muhammad
Ali. La boxe renoue donc avec le septième art pour donner lieu
à une direction photo dans toute sa force et une poésie
dans la mise en scène.
Finalement, sans être un chef-d'oeuvre, Ali reste un
film sous-estimé qui tire un large avantage de ses forces visuelles
et musicales au profit d'un film qui s'étire un peu trop et dont
on cherche l'intérêt de sa trame narrative. Il est à
noter que le film s'adresse principalement aux adeptes de l'homme derrière
les gants. Car entre les 12 rings d'un match, il existe une légende,
un homme qui boxait pour une raison. Pour reprendre les mots du boxeur
: «There are more plesant things to do than beat up people.»
Version française :
Ali
Scénario :
Gregory Allen Howard, Stephen J. Rivele
Distribution :
Will Smith, Jamie Foxx, Jon Voight, Mario Van Peebles
Durée :
159 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
15 Mars 2004