AKIRA (1988)
Katsuhiro Ôtomo
Par Jean-François Vandeuren
Fort probablement l’animé japonais le plus connu qui soit
et celui qui lança d’autant plus la mode manga en Amérique,
et d’ailleurs le plus coûteux de l’histoire du pays
dans ce domaine à l’époque, Akira demeure
visuellement un chef d’œuvre exemplaire de maniérisme
et de minutie au niveau du détail, ce qui lui permit en 1988
de fracasser bien des records mondiaux sur le plan technique. Katsuhiro
Ôtomo porte ici à l’écran le manga du même
nom dont il est aussi l’auteur et nous transporte à Neo-Tokyo
en l’an 2019, soit trente et un ans après la Troisième
Guerre mondiale, qui n’eut pas lieu dans la réalité
je vous rassure tout de suite. Alors que la mégapole est plongée
dans une montée révolutionnaire grandissante, le membre
d’un gang de rue, Tetsuo Shima, est impliqué dans un curieux
accident causé malgré lui par Takashi, un personnage aux
traits étranges mélangeant ceux d’un enfant et d’un
vieillard qui semble également habité de pouvoirs surnaturels.
Cet événement mènera à l’éveil
d’habiletés similaires chez Tetsuo qui suivront toutefois
un cheminement beaucoup plus rapide pour atteindre une force comparable
à ceux de celui qu’on appelle Akira, ce qui entraînera
son esprit dans une tourmente incontrôlable basée sur la
soif de vengeance et de pouvoir.
Au delà du film d’animation, Akira parvient également
à s’établir comme une œuvre de science-fiction
à part entière. Katsuhiro Ôtomo positionne de ce
fait son récit dans un climat politique instable et foncièrement
corrompu, tout en évoquant d’une manière extrêmement
sérieuse et pertinente la lutte s’y créant entre
les diverses sphères étatiques, les motifs justifiant
la prise de décisions différant énormément
dépendamment de la position occupée par chacune dans le
système, et la population. Il règne ainsi dans Akira
une constante atmosphère de révolution que le film reflète
assez bien autant au niveau politique et militaire que de sa riposte
civile, tout en l’acheminant avec brio vers la tangente plus fantastique
du scénario. Le cinéaste japonais ne se contente pas ici
de simplement reprendre quelques idées du passé rappelant
les univers de films comme Blade Runner ou encore le Metropolis
de Fritz Lang (dans un contexte mené sur un front toutefois beaucoup
plus réaliste qu’expressionniste) et finit par en compléter
la majorité par ses propres élans philosophiques. Katsuhiro
Ôtomo forme ainsi une superbe hyperbole de l’acharnement
de l’homme à vouloir toujours mettre la main sur une forme
de pouvoir qui ne lui est pas nécessairement destinée
et des conséquences que cela implique, en plus de leur portée
sur le plan historique et de l’évolution.
Akira est évidemment un film destiné unilatéralement
à un public adulte et adolescent. Techniquement parlant, Katsuhiro
Ôtomo aura su profiter allègrement du généreux
budget qui fut mis à sa disposition pour sortir un des films
d’animation les plus consistants de l’histoire, éclipsant
alors bon nombre des prouesses du passé en ce qui a trait au
nombre de prises, de dessins et de couleurs employés. Le résultat
à l’écran est sans grande surprise phénoménal
et affiche avec ingéniosité le maximum de son potentiel
afin de recréer ce qui n'est pas si évidant à mettre
en image en dehors d’une planche à dessin. Et malgré
son lot excessif de violence et les thèmes abordés, Katsuhiro
Ôtomo parvint tout de même à garnir son effort d’une
approche révélant des traits parfois oniriques. Ce dernier
forme d’autant plus adéquatement une élaboration
de plans plus dramatiques qui n’est fort heureusement jamais éclipsée
par les élans frénétiques propres aux dessins animées
japonais. Le cinéaste utilise de ce fait des mouvements dans
l’image beaucoup plus subtils pour éviter tout effet statique.
Évidemment, les films d’animation à la japonaise
ont grandement évolué au niveau esthétique depuis
la parution de l’opus légendaire de Katsuhiro Ôtomo,
qui a tout de même très bien vieilli de son côté.
On pensera en ce sens à l’ensemble de l’œuvre
on ne peut plus satisfaisante d’Hayao Miyazaki, au doublé
Ghost in the Shell et au Metropolis de Rintaro. Ces
deux derniers n’échappèrent toutefois pas, tout
comme leur prédécesseur commun, à certains élans
au niveau du scénario nous entraînant dans un léger
état de confusion vu la surcharge de contenu à plusieurs
échelles sur laquelle ces récits futuristes se basent
constamment. Mais en tout et partout, Akira demeure l’une
des œuvres de marque du genre grâce à sa signature
visuelle évidemment propre à celle des Japonais, mais
qui évoque en même temps un style dont la mise en œuvre
saura plaire autant aux fans du genre manga qu’à ses détracteurs.
Version française :
Akira
Scénario :
Katsuhiro Ôtomo, Izô Hashimoto
Distribution :
Mitsuo Iwata, Nozomu Sasaki, Mami Koyama, Tesshô
Genda
Durée :
124 minutes
Origine :
Japon
Publiée le :
15 Octobre 2005