AFTER THE WEDDING (2006)
Susanne Bier
Par Jean-François Vandeuren
Jacob (Mads Mikkelsen, que l’on a pu voir à l’œuvre
dans l’impitoyable Pusher et bientôt dans Casino
Royale) est intervenant dans un orphelinat indien. Afin de pouvoir
fournir aux jeunes qu’il s’évertue à sortir
de la rue un toit, de quoi à manger et une éducation décente,
ce dernier doit retourner au Danemark pour rencontrer Jørgen,
un homme d’affaire dont l’investissement sauverait assurément
l’organisme de la fermeture. Lors de leur rencontre, Jørgen
invite Jacob par gentillesse au mariage de sa fille, Anna, qui doit
avoir lieu le lendemain. Il y reconnaîtra la femme de Jørgen
avec qui il a déjà eu une relation amoureuse. Certaines
révélations feront alors surface et chambouleront l’existence
des quatre individus. Jacob apprendra entre autre qu’il est le
père biologique d’Anna. Plutôt que de mettre fin
abruptement à leur collaboration, Jørgen désirera
aller de l’avant, allant même jusqu’à proposer
une donation encore plus généreuse à Jacob. Une
proposition des plus surprenantes dont ce dernier se méfiera,
évidemment.
Bien qu’il s’agisse de deux prémisses foncièrement
différentes s’attaquant à des thèmes qui
n’ont en soi rien à voir entre eux, la façon dont
la réalisatrice danoise Susanne Bier s’amuse à nos
dépends avec le récit d’After the Wedding
rappelle à plusieurs égards le tour de force magistral
que signa Stanley Kubrick avec son dernier opus, Eyes Wide Shut.
Bier s’attarde ici au tempérament d’un personnage
à l’idéalisme social tranchant qui a la mauvaise
habitude de sauter trop rapidement aux conclusions et de toujours s’imaginer
le pire. Il faut dire que la situation à laquelle il fait face
ici lui donne raison de réagir de la sorte. Bier remet néanmoins
en question de manière assez pertinente la vieille habitude des
spectateurs de chercher des traces de complot dans les recoins d’un
scénario un peu trop parsemés de bonnes intentions. Il
s’agit d’autant plus d’un réflexe auquel nous
sommes de plus en plus confrontés dans la vie de tous les jours,
en particulier dans une situation comme celle-ci où deux milieux
opposés doivent composer l’un avec l’autre pour arriver
à leurs fins respectives.
Nageant dans un monde où les apparences sont parfois trompeuses,
Bier s’amuse au départ à déguiser son film
en suspense en conférant les intentions les plus louches à
Jørgen avant de les réfuter une après l’autre
par une logique qui finira par révéler des enjeux beaucoup
plus dramatiques. Bien que la réalisatrice force la dose à
quelques reprises en ajoutant une série d’impasses qui,
sans alourdir nécessairement le récit, ne sont souvent
prétextes qu’à étirer la sauce, Bier fait
part d’une formidable adresse dans la façon dont elle gère
les émotions de ses personnages et les démons avec lesquelles
ils sont au prises, en particulier ceux de Jacob et Jørgen, superbement
campés par Mads Mikkelsen et Rolf Lassgard, respectivement. La
facture visuelle de Bier se veut d’ailleurs très expressive,
autant dans ses mouvements de caméra qu’au niveau du montage,
au cœur desquels elle ne se gène pas pour insérer
quelques images apportant une dimension un peu plus poétique
à l’ensemble.
Ce qui fait d’After the Wedding un drame aussi prenant
est cette habilité avec laquelle Susanne Bier déjoue constamment
les attentes en nous confrontant aux meilleures intentions alors que
nous sommes trop occupés de notre côté à
chercher la moindre trace de malhonnêteté dans les actions
de Jørgen. Plus important encore, la cinéaste danoise
parvient à exploiter une telle mise en situation sans sacrifier
au passage la force d’impact de son discours. Sous ses airs de
tragédie, After the Wedding se veut un effort des plus
optimistes de par ses élans cinématographiques faisant
abstraction de la plupart des tics du genre ordinairement orienté
vers la méfiance, et l’humanisme désarmant qui s’en
dégage. Les seules choses que nous pourrions réellement
reprocher au film de Susanne Bier est de tourner le fer dans la plaie
un peu trop longtemps là où la réalisatrice aurait
pu facilement effectuer quelques coupures ainsi qu’une surabondance
de séquences larmoyantes devenant vite irritantes. Autrement,
After the Wedding s’avère une oeuvre aussi sincères
que les intentions de ses protagonistes qui épate de par l’efficacité
d’une mise en scènes dont les rouages se veulent entièrement
au service de son discours.
Version française : -
Version originale : Efter brylluppet
Scénario : Susanne Bier, Anders Thomas Jensen
Distribution : Mads Mikkelsen, Sidse Babett Knudsen, Rolf Lassgard,
Mona Malm
Durée : 120 minutes
Origine : Danemark, Suède
Publiée le : 18 Octobre 2006
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