AFTER THE DAY BEFORE (2004)
Attila Janisch
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Ceux que les jeux temporels de Memento ont confondus devraient
se tenir bien loin d'Après le jour d'avant. En fait,
tout cinéphile ne tenant pas coute que coute à perdre
deux heures de sa vie devrait probablement éviter le film du
Hongrois Attila Janisch, thriller mal fichu qui tente tant bien que
mal de créer un climat onirique mais s'avère finalement
plus soporifique qu'autres choses. C'est qu'au gré de ses manipulations
spatio-temporelles gratuites, l'intrigue décousue du film plonge
le pauvre spectateur dans la confusion et l'indifférence totale,
sentiments fort désagréables desquels même des décors
évocateurs et un travail de cadrage splendide ne peuvent le sauver.
Car si, au niveau purement visuel, le film de Janisch n'est pas totalement
dénué d'intérêt, le scénario bigarré
à la limite de l'incohérence d'Andras Forbach transforme
ce périple au coeur de la mémoire en chute libre jusqu'aux
confins les plus sombres de l'ennui.
Un homme est déposé au beau milieu de nul part avec pour
seul compagnon un vélomoteur. Cachée quelque part au coeur
du paysage rural qui s'étend à l'infini devant lui se
trouverait une ferme dont il a hérité suite à la
mort d'un parent distant. C'est en s'arrêtant à une station
d'essence abandonnée qu'il voit pour la première fois
le brutal Romek, sa fille et l'amant de celle-ci, Simon. Quelques temps
plus tard, notre héros solitaire apprend que la jeune fille a
été retrouvée morte quelques heures seulement après
cette rencontre. C'est ici que l'obscure machine de déconstruction
narrative qui semble être la raison d'être du film se met
en marche. À partir de ce moment, les repères logiques
s'évaporent et le spectateur se perd en compagnie du héros
dans les dédales alambiqués de cette histoire labyrinthique
mal ficelée. Des personnages unidimensionnels aux motifs terriblement
vagues s'entrecroisent à partir de ce moment à chacun
des détours inutiles de cette intrigue vide de sens. La montre
du héros s'est arrêtée. Le film traite-t-il de notre
dépendance à la notion de temps? Ses souvenirs semblent
s'effacer. Après le jour d'avant serait peut-être
finalement une oeuvre sur la mémoire...
Aucune de ces questions n'aura droit à une réponse, ce
qui est en soi une expérience frustrante, mais le plus fâcheux
demeure que la finale de ce capharnaüm soit aussi tristement prévisible.
Le choc final n'est donc qu'un pétard mouillé qui a pour
seul mérite de mettre fin à cet interminable cauchemar.
Si l'objectif initial du projet était semble-t-il de recréer
l'ambiance d'un rêve, ce sont plutôt les profondeurs insondables
d'un sommeil imperturbable que risque d'explorer le spectateur face
à ce collage biscornu dont les morceaux n'arrivent jamais à
tenir ensemble. Le climat mystérieux que voulait faire régner
Janisch se butte à l'incompréhension d'un public prisonnier
des méandres d'un montage inutilement compliqué.
L'expérience que propose Après le jour d'avant
s'apparente donc à celle d'écouter un ami tenter de raconter
une soirée bien arrosée le lendemain des évènements.
Les bribes d'informations reçues sont si nébuleuses et
il semble manquer un nombre tellement importants d'éléments
clés de l'anecdote que l'on perd bien vite tout envie de recoller
les pièces du puzzle ensemble. Exercice de style raté
d'un ennui consommé, pastiche de Lynch peu inspiré, Après
le jour d'avant est un échec sur presque toute la ligne
qu'une esthétique tout de même travaillée ne peut
sauver du naufrage. Au moins, le titre a le mérite de posséder
un certain cachet...
Version française :
Après le jour d'avant
Version originale :
Másnap
Scénario :
András Forgách
Distribution :
Éva Almási Albert, Sándor
Czecko, Borbála Derzsi, János Derzsi
Durée :
119 minutes
Origine :
Hongrie
Publiée le :
8 Octobre 2004