36 QUAI DES ORFÈVRES (2004)
Olivier Marchal
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Il est difficile d'expliquer pourquoi persiste encore aujourd'hui le
mythe selon lequel le cinéma français est d'une quelconque
manière supérieur au cinéma américain. Au
cours des dernières années, l'Hexagone a tenté
par tous les moyens de singer Hollywood et de battre les Américains
à leur propre jeu. Mais c'est peine perdue, et il faudra qu'ils
l'apprennent un jour ou l'autre. En attendant, nous devrons nous farcir
des polars tièdes tels que ce 36 Quai des Orfèvres
aussi vite oublié qu'il est digéré. Il serait déloyal
de qualifier le film d'Olivier Marchal, réalisateur issu du milieu
de la télévision, de ratage total. Cependant, le qualifier
de déception n'est en rien une exagération. Promettant
un duel d'acteur au sommet entre Daniel Auteuil et un Gérard
Depardieu que l'on sent malheureusement au bout du rouleau, 36 Quai
des Orfèvres ne livre somme toute pas la marchandise et
propose au bout du compte une intrigue franchement mal écrite
s'appuyant sur des coïncidences douteuses et des flashbacks maladroits
pour avancer de manière chancelante jusqu'à une conclusion
décevante.
Dommage. Le potentiel, pourtant, n'était pas absent de cette
prémisse plaçant en situation de conflit deux hauts gradés
de la police parisienne convoitant le même poste. Le mince discours
qu'entretient 36 Quai des Orfèvres, selon lequel le
pouvoir corrompt et la justice trouve toujours une façon de régler
ses comptes, se perd néanmoins dans les dédales d'une
intrigue qui empile les unes après les autres les situations
radicalement différentes sans trop savoir faire la part des choses.
Un scénario se doit de témoigner de certaines décisions
narratives. Malheureusement, celui que signe ici une équipe de
quatre auteurs ne privilégie aucun des pans de l'intrigue, avec
comme résultat final un thriller au rythme déficient incapable
d'installer une authentique tension.
Entre la chasse au suspect du premier tiers, la lutte intestinale opposant
Depardieu et Auteuil dans la seconde partie et un épilogue vengeur
orchestré à la manière d'une arrière-pensée,
36 Quai des Orfèvres patine pour trouver un ton unificateur
et n'y arrive tout simplement pas. L'intrigue ne tient pas et les fruits
du destin nécessaires pour lier entre eux les différents
segments de l'histoire n'impressionnent pas. Heureusement, les personnages
solides que campent les deux comédiens principaux sont capables
de soutenir à eux seuls le film de Marchal. Pour sa part, le
réalisateur arrive difficilement à se détacher
de la forme épisodique propre à son véhicule de
prédilection.
Qui plus est, la facture visuelle de l'ensemble laisse à désirer.
La direction photo manque de caractère, le montage empile les
transitions tape-à-l'oeil ratées les unes après
les autres. Les ralentis discutables rendent rapidement caduc l'usage
des doigts de la main. Si les scènes d'actions nous font regretter
le professionnalisme ordurier des Américains, la réalisation
n'a quant à elle aucunement le raffinement nécessaire
pour nous faire oublier cette lacune. Techniquement, 36 Quai des
Orfèvres manque franchement d'inspiration ou de personnalité.
Heureusement, les enjeux dramatiques mis de l'avant sont assez forts
pour nous garder éveillés jusqu'à la fin du film.
36 Quai des Orfèvres, à défaut de se démarquer,
se glisse bien dans la masse de films moyens et indistincts produits
à chaque année. Il n'a rien d'exécrable et se laisse
écouter relativement facilement. En gros, c'est une façon
adéquate de consommer du temps à défaut d'être
une expérience cinématographique satisfaisante. Le problème,
c'est qu'il en faudra plus que cela pour ramener le public français
dans les salles de cinéma et autrement plus pour redorer le blason
de leur septième art en perdition...
Version française : -
Scénario : Dominique Loiseau, Frank Mancuso, Olivier Marchal,
Julien Rappeneau
Distribution : Daniel Auteuil, Gérard Depardieu, André
Dussolier, Roschdy Zem
Durée : 110 minutes
Origine : France
Publiée le : 5 Août 2006
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