300 (2007)
Zack Snyder
Par Jean-François Vandeuren
Cela fait déjà quelques années que la grosse machine
hollywoodienne semble prise dans une impasse dont elle n’arrive
tout simplement pas à se sortir. Celle-ci dut d’autant
plus s’avouer vaincue devant l’ascension fulgurante du jeu
vidéo, qui réussit à lui damer le pion pour devenir
en l’espace de quelques années le média de divertissement
le plus lucratif sur le marché mondial. Cherchant désespérément
à se réapproprier la part du gâteau qui venait de
leur filer entre les doigts, les grands studios américains se
tournèrent vers diverses formes d’art en vogue et autres
sources d’intérêts extérieures - dont la bande
dessinée - pour ramener tout ce beau monde à l’intérieur
des salles de cinéma. Après une suite d’essais et
d’erreurs plus ou moins concluante, 300 s’annonçait
comme le spectacle exubérant qui permettrait à Hollywood
de reconquérir le marché des 18 à 35 ans. Le temps
n’aurait d’ailleurs pu être mieux choisi pour revisiter
le roman graphique de Frank Miller vue la popularité dont ce
dernier jouit auprès du grand public depuis la sortie de la première
adaptation cinématographique de ses histoires de Sin City.
S’il est vrai que le second long-métrage de Zack Snyder
aurait eu davantage sa place sur une console de jeux vidéo que
sur de la pellicule, l’entreprise marque tout de même l’occasion
pour la ville reine du popcorn de refaire une vive démonstration
de ses dernières prouesses en matière de technologies
numériques et de réaffirmer haut et fort que la place
d’un produit de cette ampleur demeure sur un écran de cinéma
et non celui d’un vulgaire téléviseur.
Le film de Zack Snyder s’inspire ainsi assez librement de la célèbre
bataille des Thermopyles au cours de laquelle le roi Léonidas
et 300 machines de guerre spartiates sacrifièrent leur vie pour
repousser les armées du puissant souverain perse Xerxès.
Un geste des plus héroïques qui inspira les cités
grecques à s’unir et à combattre l’empire
achéménide. Mais contrairement à la dernière
vague de péplums hollywoodiens où la technologie et des
budgets faramineux étaient mis au service de « l’histoire
», 300 n’en a que faire de l’exactitude historique
et met plutôt l’accent sur le sang, la barbarie, des créatures
plus étranges les unes que les autres et une avalanche de répliques
que nous n’aurions pu imaginer plus pompeuses. Comme dans le Sin
City de Frank Miller et Robert Rodriguez, la majorité des
environnements de 300 sont le fruit d’images de synthèse,
lesquelles vibrent ici aux couleurs on ne peut plus flamboyantes de
la direction photo de Larry Fong. Aux commandes de cette mégaproduction,
Snyder se révèle à la hauteur de la tâche
qui lui a été confiée et signe une mise en scène
dont l’arrogance et la désinvolture sont en soi parfaitement
assumées. Il ressort ainsi de ces élans tapageurs une
facture plastique tout ce qu’il y a de plus artificielle, s’appropriant
comme bon lui semble les traits propres à la bande dessinée
alors qu’une profusion de ralentis ne manquent jamais de souligner
avec une force de frappe tout de même considérable les
moindres actes de bravoure et de violence des protagonistes, lesquels
abondent évidemment ici en quantité industrielle.
Il est cependant assez désolant de constater que toute l’énergie
déployée par Snyder et son équipe sur le plan esthétique
ait été mise au profit d’un scénario aussi
peu substantiel. Le cinéaste américain nous sert en somme
une imposante scène d’action marquée de quelques
pauses plus ou moins bien huilées, alimentant pour la plupart
une intrigue politique pour le moins douteuse qui fut littéralement
agrafée au récit original. Évidemment, le développement
des protagonistes souffre lui aussi de la minceur du projet sur papier.
Un détail qui n’empêcha toutefois pas une distribution
menée par un Gerard Butler électrisant de camper de façon
énergique et fort charismatique ce groupe de guerriers unidimensionnels
assoiffés de sang et de liberté. Le film s’évertue
d’ailleurs à défendre un discours sociopolitique
qui a tendance à laisser un goût plutôt amer vue
la situation particulièrement tendue sur la scène internationale
avec laquelle le pays de l’Oncle Sam doit composer depuis le début
du nouveau millénaire. Si les parallèles entre le présent
effort et certains conflits actuels auraient pu s’avérer
superflus, 300 prend malgré tout les allures d’un
pamphlet en faveur de la guerre de par la manière souvent agressive
dont il aborde le rôle du soldat tout en scandant des slogans
que nous n’avons entendus que trop souvent à la télévision
américaine au cours des dernières années, tel l’inévitable
«freedom isn’t free». Il faut dire que Snyder
nous avait déjà fait nager dans les mêmes eaux troubles
avec son remake tout de même fort respectable du Dawn of the
Dead de George A. Romero alors qu’il nous soumettait au discours
d’un prêtre dénonçant l’homosexualité
et l’avortement, et ce, sans jamais prendre position face aux
dires de son personnage.
La notoriété de Frank Miller est basée en soi sur
l’habileté de ce dernier à rassembler un impressionnant
bagage d’influences en un tout extrêmement stimulant tout
en écartant au passage les éléments jugés
inutiles. C’est encore une fois le cas ici alors que l’artiste
américain ne se complique guère la vie avec l’abondance
de détails entourant ce fait d’arme figurant parmi les
plus célèbres de l’histoire antique pour ne retenir
que les points nécessaires à la création d’un
festin épique flirtant bien souvent avec le grotesque - auquel
la réalisation tonitruante de Zack Snyder rend parfaitement justice.
Il est simplement décevant de constater que le réalisateur
américain et ses coscénaristes Kurt Johnstad et Michael
Gordon n’aient pas cherché à aller au-delà
des croquis de Miller pour ajouter un peu plus de chair autour de l’os
plutôt que de gruger celui-ci jusqu’à la moelle.
Snyder signe ainsi un spectacle tapageur qui n’a visiblement été
mis sur pied que dans le but d’assouvir nos pulsions sadiques
et de nous faire revivre une certaine époque où nous ne
pouvions qu’être fascinés par ce genre de divertissements
tape-à-l’oeil et ultraviolents. Mais l’enfant en
nous a fini par grandir. Et même si les litres de sang déferlent
à l’écran par milliers, l’entreprise de Zazk
Snyder et Frank Miller ne se veut finalement qu’une autre production
surchargée dont on se délecte niaisement pendant près
de deux heures pour ensuite passer immédiatement à autre
chose.
Version française : 300
Scénario : Zack Snyder, Kurt Johnstad, Michael Gordon,
Frank Miller
Distribution : Gerard Butler, Lena Heady, Dominic West, David
Wenham
Durée : 117 minutes
Origine : États-Unis
Publiée le : 17 Avril 2007
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