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24 HOUR PARTY PEOPLE (2002)
Michael Winterbottom

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Tony Wilson (Steeve Coogan), fondateur de Factory Records, a beau dire qu'il n'est «qu'un personnage mineur dans sa propre existence», rarement a-t-on vu un personnage dominer l'écran avec autant d'aisance que l'irrésistible croisement entre Woody Allen et Lester Bangs qu'incarne Coogan avec brio. C'est en partie l'intime relation qu'il entretient avec le spectateur et la caméra tout au long de 24 Hour Party People qui permet au film de garder le cap durant deux heures. Car après tout, le réalisateur Michael Winterbottom se fait ambitieux en tentant de raconter presque quinze ans d'évolution musicale en deux heures, partant de l'explosion Punk de la fin des années 70 pour se rendre jusqu'à la mort de l'Acid House au début des années 90. Peut-être aussi est-ce parce que la forme épouse si harmonieusement le contenu que 24 Hour Party People est une telle réussite. Voici en effet un film indépendant célébrant l'esprit de liberté de la scène indépendante musicale avec la même énergie et la même passion qui animent ses protagonistes.

Wilson est introduit alors qu'il est sur le point de se lancer en bas d'une falaise pour les besoins d'un reportage. Cette scène, fait-il remarquer, fonctionne à deux niveaux bien distincts et peut facilement être interprétée comme étant une métaphore des évènements qui suivront. Coogan/Wilson brise constamment le fameux quatrième mur qui sépare le spectateur de ce qui se déroule devant lui, le réduisant rapidement en poussière et rendant du même coup l'immersion de celui-ci totale. Pourtant, il rappelle lui-même que l'on se trouve devant un film à plus d'une reprise. Cet échange qu'entretient en permanence le personnage avec son public est fascinant, et révèle avec quel raffinement Winterbottom et le scénariste Frank Cottrell Boyce sont capable de jouer avec la forme même du film. Il est d'ailleurs bien difficile de définir un genre auquel associer 24 Hour Party People, qui emprunte allègrement à la comédie, au drame et au documentaire pour créer un collage hyperactif et remarquablement dynamique. Le montage est tout simplement impeccable. Les images d'archives sont mêlées avec une grande dextérité aux scènes reconstituées afin de faire disparaitre la frontière qui sépare la réalité de la fiction.

De toute façon, le film admet que la réalité n'a pas vraiment sa place dans l'histoire de la musique, où le mythe est roi. Wilson lui-même déclare qu'il est préférable de se souvenir de la légende que de la vérité. L'univers du Rock en est un de rêves et d'illusions, de mythes et de légendes, et 24 Hour Party People incarne parfaitement ce côté plus grand que nature de la chose. Peu importe que toutes les anecdotes du film soient vraies ou non, et que le contrat liant Factory à ses groupes ait vraiment été ou non signé avec le sang de Wilson. Autant que je sache, Beethoven aurait très bien pu ne pas être sourd et Mozart a peut-être eu droit à une sépulture digne d'un monarque. L'important demeure la musique et, que l'on aime ou non Joy Division, New Order et les Happy Mondays, le film de Winterbottom est un hommage vibrant à sa puissance formidable qu'elle soit mélancolique ou euphorique.

Et tout comme la musique peut si bien le faire, 24 Hour Party People traverse une grande gamme d'émotions avec dextérité, alternant habilement entre l'humour et le drame. Le suicide d'Ian Curtis est présenté avec une retenue remarquable alors que le carnaval drogué des Happy Mondays est mis en scène avec l'excès de rigueur. Et au milieu de ce délire se tient fièrement un Coogan si drôle, charismatique et crédible dans le rôle de Wilson qu'on ne peut que voir en lui l'étoffe d'une véritable vedette. Que le reste de la distribution soit du même calibre tient presque du miracle. Mais 24 Hour Party People est un miracle, une oeuvre remarquable, une lettre d'amour aussi passionnée que passionnante qui célèbre le merveilleux monde de la musique dans le ton juste et sans fausse note. Énergique, divertissant et intelligent, le film de Winterbottom devrait faire plaisir à plus d'un mélomane.




Version française : -
Scénario : Frank Cottrell Boyce
Distribution : Steve Coogan, Paddy Considine, Andy Serkis, Sean Harris
Durée : 117 minutes
Origine : Angleterre

Publiée le : 25 Août 2004