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1981 (2009)
Ricardo Trogi

Par Clara Ortiz Marier

Étant enfant, qui n’a pas déjà été tenté de céder au mensonge afin d’impressionner son entourage? Qui n’a pas déjà voulu s’inventer une vie différente, de nouveaux parents, une maison plus grande et plus belle, pour se rendre plus intéressant aux yeux des autres? Un mensonge est si vite raconté qu’il est parfois difficile de prendre conscience des conséquences que cela peut entraîner, surtout lorsqu’on a onze ans et que ce qui nous préoccupe le plus est le fait d’être accepté par les autres enfants et de trouver sa place parmi eux. Dans ce nouveau film intitulé 1981, Ricardo Trogi nous fait le récit très personnel de cette année décisive où les notions de mensonge et de vérité ont pris une toute autre valeur dans son esprit d’enfant.

En 1981, le jeune Ricardo Trogi (Jean-Carl Boucher) emménage avec ses parents (Sandrine Bisson et Claudio Colangelo) et sa soeur cadette (Rose Adam) dans une nouvelle maison quelque part en banlieue de Québec. Suite à ce changement soudain d’environnement, de quartier et d’école, le garçon de onze ans est rapidement confronté à la peur de ne pas trouver sa place parmi ses nouveaux collègues de classe. Ceux-ci semblent venir de familles mieux nanties que la sienne et c’est avec une certaine angoisse que Ricardo en prend conscience. Accro à son catalogue Distribution aux consommateurs, le jeune garçon rêve de montre calculatrice, de K Way rouge, et de « walkman », objets qui l’aideraient selon lui à gagner en popularité auprès des enfants de son école, mais que ses parents n’ont pas les moyens de lui acheter. Face à cette impasse, Ricardo opte pour la solution facile : le mensonge, qui lui permettra de se faire de nouveaux amis, mais qui le mettra aussi parfois dans l’embarras.

Avec ce film autobiographique, Trogi nous fait plonger dans ses souvenirs d’enfance et réussit à rendre son propre personnage très attachant malgré (ou peut-être grâce à) ses nombreuses maladresses de garçon de onze ans. Le film est soutenu par une narration en voix off faite par Trogi lui-même, qui explique les situations et les états d’âme par lesquels il est passé à l’époque. Bien que Trogi approche maintenant la quarantaine, le ton employé colle parfaitement à cette naïveté et cette simplicité souvent propre à l’enfance, et permet de faire le pont entre le personnage adulte qui jette un regard sur son enfance et l’esprit du garçon de onze ans qu’il était. Il prend plaisir à nous expliquer les objets qu’il rêvait de posséder, nous fait part des dilemmes, des incompréhensions et des questionnements auxquels il était confronté (avec les filles entre autres) et confit ouvertement ses secrets au spectateur. Pour ce dernier, l’identification au personnage en est d’autant plus facile, grâce à cette narration, mais aussi à la justesse des dialogues et au jeu des acteurs (la prestation du jeune Jean-Carl Boucher étant d’ailleurs d’une efficacité surprenante). On peut facilement se reconnaître ou du moins s’identifier à cette famille québécoise, à ce jeune garçon et à son histoire. On comprend l’envie de Ricardo d’être accepté, ce besoin d’appartenance, qui le pousse aux petits mensonges afin de masquer les apparences, de se donner bonne image aux yeux des autres, de sauver sa réputation.

Bien que la prestation des acteurs et l’effet de narration servent admirablement bien le récit, certains éléments de celui-ci se révèlent être un peu moins efficace. Il est vrai que la scène d’ouverture du film, avec ces officiers nazis parlant québécois (car Ricardo n’arrive pas à s’imaginer des dialogues en allemand) nous fait bien rire. L’élément de surprise fonctionne bien et la scène cocasse, avec son noir et blanc de faux film d’époque, donne le ton pour le reste du film. Ricardo blâme les nazis pour la situation économique dans laquelle se trouve sa famille, ce qui semble justifier qu’on voit le personnage de l’officier resurgir plus tard au fil du film. Mais la récurrence de ce genre d’élément, qui a pour but d’entretenir le comique de la situation, finit par ne plus avoir l’effet désiré. Ainsi, l’officier nazi, la fantaisie du père avocat, le chat perdu et les problèmes d’élocution de la soeur cadette amusent une première fois, mais il est vrai que la redondance d’un élément comique peut rapidement lui faire perdre de son efficacité et finir par agacer le spectateur.

Malgré ce léger bémol, on ne peut nier l’un des points forts du film qui réside dans la manière dont Trogi et son équipe ont réussi à recréer l’ambiance, l’esprit et l’esthétique du Québec du début des années 80. Ceci se révèle non seulement dans les vêtements, coiffures et objets du quotidien, mais aussi dans la manière dont les personnages s’expriment et agissent. En 1981, les gens fumaient encore dans les écoles, le premier « walkman » Sony venait à peine de sortir dans les magasins, les taux d’intérêt des hypothèques atteignaient des sommets et les familles de la classe moyenne « basse » se seraient la ceinture. Mais au final, peu importe d’avoir grandi ou non pendant les années 80, puisqu’en regardant 1981, on ne peut s’empêcher de se remémorer sa propre enfance, les expressions utilisées à l’époque, les tendances vestimentaires, les soirées à vélo entre amis, les « Mr. Freeze » au dépanneur du coin, les élèves les plus populaires de l’école, les histoires racontées pour impressionner, le stress des dictées, etc. Tous ces petits détails qui font de notre enfance une période toute particulière et qui donnent à ce film toute son humanité.




Version française : -
Scénario : Ricardo Trogi
Distribution : Jean-Carl Boucher, Claudio Colangelo, Sandrine Bisson, Gabriel Maillé
Durée : 102 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 5 Septembre 2009