Par
Laurence H. Collin
Quel concept perturbant que fut, à l’époque, celui de
Final Destination pour mes yeux impressionnables de préadolescent! On avait alors affaire à un suspense surnaturel dans lequel les miraculés d’un accident d’avion étaient traqués, un par un, par une force invisible, leur mort suivant l’ordre dans lequel ils étaient censés mourir à bord! Cauchemar. Le scénariste du film (dont l’idée originale était pensée pour un épisode de
The X-Files) se réjouissait assurément en imaginant son public cible raconter un synopsis aussi accrocheur à leurs amis. Qui plus est, les plus curieux demanderaient même à se faire décrire deux ou trois des scènes sanglantes. Il faut bien l’admettre :
Final Destination était un sacré concept de vente original en 2000. Surtout lorsque l’on considère qu’il fut livré à son auditoire la même année que des copies carbone transparentes comme
Urban Legends: Final Cut ou encore
Book of Shadows: Blair Witch 2. Des titres qui font toujours aussi mal à la rétine.
Bref, un sacré concept de vente, oui. Mais un bon film en soi? Pas vraiment. Un recul de onze ans (ou disons plutôt une perspective d’adulte) a rendu impossible à ignorer, derrière son canevas intrigant, l’exécution amorphe, les dialogues de pacotille et cette mise en scène des plus «
téléfilmesques » signée James Wong. Cependant, un succès populaire demeure un succès populaire et les formules existent pour une raison. Nous y revoilà donc pour une cinquième fois. En faisant de sa troisième (et de loin plus débile) séquelle,
The Final Destination, le plus gros carton au box-office de la série, les foules se sont de nouveau attirés une prémonition d’accident qui enclenchera un lot de conséquences regrettables pour les êtres à l’écran, et marrantes pour ceux qui les regardent.
Final Destination 5 tourne donc autour de Sam Lawton (Nicolas D’Agosto), jeune représentant des ventes pour une compagnie de pâtes et papiers. Comme à l’habitude, ce dernier aura inexplicablement une vision de l’écroulement du pont suspendu sur lequel roulait l’autobus de son entreprise. Parvenant à convaincre son ex-petite amie Molly (Emma Bell) comme cinq de ses collègues et son patron de quitter le véhicule, ceux-ci échapperont de justesse à la tragédie. Ce ne sera pas bien longtemps après avoir déjoué le destin que la vie de chaque rescapé sera réclamée dans des circonstances pour le moins violentes. Alors que s’empileront les cadavres, Sam prendra conscience du plan funeste que la mort elle-même leur réserve pour lui avoir échappé. Plus inquiétant encore sera le comportement imprévisible et colérique de son ami Peter (Miles Fisher, dont la performance est soit la meilleure, soit la pire du lot, difficile à dire), l’un des survivants, qui concevra lentement qu’il existe peut-être une façon d’échanger son statut de condamné en sacrifiant un autre malheureux.
Avec
Steven Quale aux commandes (un protégé de
James Cameron ayant collaboré sur
Avatar), ce cinquième volet présenté en 3D soulève une question intéressante. Si une recette appliquée et plus ou moins ratée bon nombre de fois finit par lever après cinq essais, peut-on vraiment parler d’un succès? À lancer le dard autant de fois vers la même cible, les chances de frapper dans le mille ne sont plus aussi minces. L’élément de surprise, lui par contre, l’est distinctement. Les qualités de production indéniables exhibées par ce nouveau produit en pousseront donc plus d’un à percevoir non seulement un bond de géant depuis son prédécesseur, mais bien la plus solide incarnation du lot. Un constat qui n’est pas erroné en soi, mais l’implication de la mémoire du spectateur dilue l’authenticité de l’affirmation. Car oui, nous avons déjà assisté au désastre spectaculaire qui mènera aux fins atroces de chaque membre de la distribution au cours de cette fameuse prémonition. Nous avons déjà vu ces montées méticuleuses dans lesquelles des objets anodins s’entrechoquent pour mener à une mort aussi insolite que surprenante. Surtout, nous avons déjà subi ces dialogues explicatifs alors que le groupe de plus en plus réduit comprend enfin la logique macabre de la liste sur laquelle leurs noms sont inscrits.
Bien qu’il s’avère techniquement impressionnant selon n’importe quels standards de l’industrie des superproductions, ce
Final Destination 5 demeure contraint, presque étouffé, par un sentiment de lassitude toxique et inévitable. Les quelques petites déviations de la routine suggérées, aussi bienvenues soient-elles, n’altèrent finalement pas réellement le déroulement de sa trame usée au possible. Et quant à l’usage du format 3D, alternant de façon judicieuse entre subtil et criard lorsque nécessaire, il ne fait pas le poids face aux conversations somnifères séparant deux vignettes de boucherie. C’est bien dommage, puisque l’attention portée ici aux personnages - tous typés au possible, il va sans dire, mais dont les interactions se révèlent plus convaincantes que ce que l’on pouvait espérer - s’avère somme toute assez respectable.
On ne regarderait cependant pas un film érotique pour la finesse avec laquelle les participants sont introduits ou pour les revirements inattendus de l’intrigue. Puisque les amateurs de gore et de mises à mort créatives forment approximativement 100% du public de la série, on ne se surprend pas de voir presque l’intégralité du plaisir à tirer de chaque épisode être directement proportionnelle à la réussite de ces scènes charnières. À cet égard, dans cette plus récente mouture, la mort semble avoir gardé le meilleur pour… le début. Une session d’entraînement en gymnastique qui tourne extrêmement mal pourrait potentiellement devenir une scène d’anthologie dans la franchise, mais peu des éviscérations-surprises qui suivent pourvoient le même impact.
Quiconque choisit donc d’investir son argent dans la quatrième suite dont le titre étale le mot « final » ne devrait pas trop être déçu de la façon dont les cartes sont jouées cette fois-ci. En restituant le plaisir et la virtuosité dans un concept de vente qui, en 2011, ne paraît plus perturbant pour personne,
Final Destination 5 se tire correctement d’affaire, même s’il échoue lors de ses quelques tentatives de réinventer la roue. Admettons tout de même que rendu à ce point, de prétendre d’en faire réellement autant serait aussi farfelu que de périr dans un salon de massage. D’ailleurs…