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20H17 RUE DARLING (2003)
Bernard Émond

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Si Gérard (Luc Picard) est encore en vie au début de 20h17 Rue Darling, c'est uniquement parce qu'il a accepté d'aller réparer le robinet de l'une de ses ex-femmes, que son lacet était détaché lorsqu'il est sorti de chez celle-ci et que le temps qu'il a pris pour attacher celui-ci a synchronisé ses déambulations avec celles d'un chinois qui avait oublié de faire un arrêt. Si le chinois en question avait parlé quelques mots de français, peut-être l'ancien journaliste serait-il revenu à temps pour mourir dans l'explosion mystérieuse de son appartement. Cependant, le hasard en aura voulu autrement. Gérard survit mais six autres innocents, dont une fillette de quatre ans, meurent dans la tragédie. Le fait qu'il soit encore en vie ne tient finalement qu'à une suite de coïncidences insignifiantes, et le remords s'empare de son âme déjà tourmentée.

Misère et hasard sont au coeur du second long-métrage de fiction du documentariste Bernard Émond. Tout comme dans son film précédent, La Femme qui boit, le réalisateur jette un regard sombre sur les ravages de l'alcoolisme et suit un personnage raté dont le malheur dicte le ton du film. Gérard a vécu toute sa vie dans la misère des autres et semble incapable d'apprécier le fait qu'il soit encore en vie. C'est pourquoi, plutôt que d'essayer de recommencer sa vie à zéro, il tente de découvrir les causes de l'accident duquel il a été épargné. Toutefois, le film de Bernard Émond ne suit qu'avec un intérêt mitigé son enquête, préférant plutôt suivre l'évolution psychologique de son personnage principal, interprété avec une grande sobriété par un Luc Picard égal à lui-même. Le reste de la distribution brille par son naturel remarquable.

Si on ne peut qu'applaudir l'intelligence et la subtilité avec laquelle Émond traite de sujets qui auraient facilement pu transformer son film en mélodrame racoleur et prévisible, on ne peut s'empêcher de trouver que son utilisation de la narration en voix off est abusive et qu'elle alourdit un film à l'ambiance déjà lourde en soi. Celle-ci va même jusqu'à couvrir par moment les dialogues en répétant presque mot pour mot ce qui est dit à l'écran. L'origine littéraire du projet explique en partie cette faille mais ne l'excuse pas. La réalisation ne brille pas par son extravagance, mais elle impressionne par sa précision. Un excellent montage vient couronner le tout. Cette sobriété au niveau formel permet au film d'Émond de se distinguer avantageusement lorsqu'on le compare à un nouveau cinéma québécois actuellement en vogue, celui des Villeneuve, Briand et compagnie, dont l'esthétique léchée tente en vain de cacher un contenu déficient.

Malgré quelques défauts somme toute mineurs, le film de Bernard Émond est une oeuvre d'une grande sensibilité offrant une réflexion intéressante sur le rôle du hasard dans nos vies en plus de finement dresser le portrait d'un alcoolique à la conscience sociale étonnamment aiguisée. Il est aussi fascinant de voir le réalisateur nous présenter de façon émouvante les derniers moments de la vie des différentes victimes de la tragédie de la rue Darling, ou du moins la fin que leur imagine Gérard. Avec 20h17, Émond réussit à nous toucher sans tomber ne serait-ce qu'une seule fois dans la facilité.




Version française : -
Scénario : Bernard Émond
Distribution : Luc Picard, Guylaine Tremblay, Diane Lavallée, Vincent Bilodeau
Durée : 100 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 9 Juin 2004